Si Denys Arcand nous a donné certains classiques de notre cinématographie (Le confort et l'indifférence, Le déclin de l'empire américain, Jésus de Montréal), ces derniers films ont généré davantage le mépris que l'admiration. Est-ce qu'il regagnera l'estime d'une majorité avec son Testament? Certainement pas. Malheureusement, ses idées réactionnaires et son ton cynique risquent d'en agacer plusieurs, en particulier les Z qu'il juge plus sévèrement que les autres. Oui, il écorche aussi sa génération, et l'ensemble de la société, avec son humour sarcastique, mais c'est envers les jeunes militants qu'il est le plus acerbe. Les boomers, représentés, entre autres, par le protagoniste, un intellectuel blanc de 70 ans, font l'objet de quelques railleries, mais c'est plus anecdotique qu'hargneux.
Jean-Michel Bouchard (Rémy Girard) habite dans une maison de retraite. Le calme de son refuge est troublé par l'arrivée inopinée d'un groupe d'activistes qui exigent qu'une fresque historique qui se trouve sur l'un des murs de l'établissement patrimonial soit retirée, plaidant que celle-ci est une honte aux Premières Nations. La directrice, Suzanne, demandera l'aide du gouvernement, qui lui offrira comme soutien que des réponses creuses. Elle sera donc amenée à prendre une décision qui entraînera de nouveaux problèmes.
Denys Arcand critique la classe politique avec beaucoup d'ardeur dans son film. L'oisiveté du gouvernement et la langue de bois du personnage de Caroline Néron ont de quoi consterner le citoyen moyen. D'ailleurs, Néron épate dans le rôle d'une ministre froide et indifférente aux soucis d'autrui. Les nombreux personnages secondaires caricaturaux (parfois trop) qui parsèment le film sont une bouffée de fraîcheur dans l'âpreté du propos. Denis Bouchard, Guylaine Tremblay, Robert Lepage, Yves Jacques et Guillaume Lambert (un coup de coeur) s'en tirent tous très bien. Même Marie-Mai, qui en est à sa première expérience de jeu, réussit à nous faire oublier la chanteuse. Son personnage possède une énergie complètement différente de celle que l'artiste déploie sur scène et en entrevue.
Le cinéaste a voulu apporter de la lumière à son film, plutôt impudent. Ainsi, il est traversé par une histoire d'amour bon enfant qui supplante les calvaires de la société moderne. Mais, cette idylle bienveillante entre Jean-Michel et la directrice de la résidence s'avère aussi risible que la transformation de la bibliothèque en salle de jeux vidéo pour le troisième âge. L'amour triomphe de tout? Vraiment? On terminera cette histoire sur un couple septuagénaire en balade dans un boisé à l'automne? La finale rose bonbon déstabilise, mais pas pour les bonnes raisons.
Malgré tout, Denys Arcand arrive à décrocher quelques sourires, même des rires francs par moment. S'il n'engendrera pas de grands débats de société avec ce film, il arrivera peut-être à faire réfléchir quelques cinéphiles sur des questions d'actualité. Aussi, sa réalisation soignée, élégante, apporte une sensibilité bienvenue. Testament plaira sans aucun doute à plusieurs cinéphiles, mais ces gens, ce ne sont pas nous...