Ironiquement, toute la problématique et les inquiétudes entourant l'évolution à vitesse grand V de l'intelligence artificielle risquent d'alimenter fortement la créativité des scénaristes d'Hollywood au cours des années à venir.
Inévitablement, nous pouvions nous attendre à ce que la maison de production Blumhouse tire plus tôt que tard d'un tel sujet un suspense d'épouvante vite fait, (plus ou moins) bien fait.
Vue l'étanche matière à laquelle elle s'attaque, AfrAId est une proposition qui aurait carrément pu s'écrire tout seul (excusez-la!).
S'il traite des bons sujets et soulève les bonnes questions en ce qui a trait à notre dépendance de plus en plus marquée à la technologie et la propension à l'isolement pouvant en découler, nous nous souviendrons surtout (ou pas du tout, c'est selon) du plus récent opus de Chris Weitz (American Pie, About a Boy, The Golden Compass) pour son scénario figurant parmi les plus garochés et inaboutis de 2024.
Le cinéaste nous amène ici à la rencontre de Curis Pike (John Cho), un père de famille se voyant offrir l'opportunité de tester une intelligence artificielle révolutionnaire pour le compte d'un nouveau client.
Dès son entrée dans la vie des membres de la famille Pike, l'IA en question (subtilement baptisée AIA) fait très bonne impression, et ce, aussi bien auprès du couple que de ses trois enfants. D'un côté, elle libère les adultes d'une importante partie de leur charge mentale. De l'autre, elle flatte la fratrie dans le sens du poil pour l'encourager à suivre une routine que les parents ne sont jamais parvenus à instaurer.
Déjà, l'idée que les enfants soient plus enclins à suivre les consignes d'une voix désincarnée que celles de leurs parents démontre la volonté du maître de cérémonie d'ancrer son film dans une réalité tangible.
Mais (très) rapidement, AIA démontre une facette de sa « personnalité » plus insistante et contrôlante qui met la puce à l'oreille de Curtis.
D'emblée, le principal problème d'AfrAId, c'est qu'il ne nous donne jamais l'opportunité de douter, ne serait-ce qu'un seul instant, des intentions d'AIA, notamment en raison d'une séquence d'introduction sans queue ni tête qui paraîtra encore plus saugrenue lors de sa résolution dans le dernier acte. Et ce n'est guère mieux lorsque le nouveau compétiteur d'Alexa révèle sa vraie nature auprès d'une jeunesse un tantinet trop crédule.
Weitz semble vouloir marcher au départ dans les traces du scénario ultra classique de la nounou venue prêter main forte à une famille, mais avec l'objectif de gagner la confiance de chacun des membres pour mieux les manipuler, et ultimement prendre la place de la mère. Le principal intéressé opte toutefois pour une approche un peu plus insidieuse. Et (Dieu merci) à aucun moment AIA tentera de séduire le pauvre Curtis (car n'est pas Spike Jonze qui veut).
Mais le réalisateur se montre totalement incapable de créer le moindre effet de tension durable et bien articulé justement car il n'essaie d'aucune façon de cacher un tant soit peu son jeu.
Surtout, Weitz ne sait pas quoi faire la plupart du temps avec ses personnages, avec leurs soupçons comme leur confiance à l'égard d'AIA. Les décisions et les réactions pas toujours cohérentes de ces derniers ne se produisent que pour permettre au film d'avancer, et ce, même si le résultat fait souvent aucun sens. Le tout tandis que l'auteur ne fait qu'effleurer des sujets pourtant on ne peut plus d'actualité (comme le cyberharcèlement), auxquels il semblait pourtant vouloir consacrer une place plus importante au départ.
Pour un film s'évertuant à souligner la disparition progressive de la ligne séparant le vrai du faux, la réalité de la fiction, les choix scénaristiques de Weitz nous donnent aussi l'impression d'avoir été effectués par un individu n'ayant pas passé beaucoup de temps en compagnie d'autres êtres humains au cours des dernières années.
Et c'est ce qui rend AfrAId encore plus frustrant. Car la matière est là, des angoisses légitimes sont abordées de la bonne façon, et la finale (même si un peu trop poussée) livre de façon simple et directe un constat pour le moins glaçant sur la suite des choses.
Malheureusement, ces honorables intentions sont noyées à l'intérieur d'une production dénuée de personnalité, d'humour, de suspense et de verve, et qui gaspille complètement le talent de ses interprètes.
Même une IA aurait fait mieux.