On the Road est une noble tentative d'adaptation des écrits de Jack Kerouac, qui ne mène, par contre, qu'à une semi-réussite. Le roman duquel le film est inspiré est considéré comme le manifeste de la Beat Generation, un mouvement littéraire et artistique initié par Kerouac dans les années 50. Il est toujours difficile de reprendre l'âme d'un livre pour la transposer au grand écran, le transfert de médium a toujours (ou presque) raison de la profondeur et de l'intensité que procure l'oeuvre originale; parce que le lecteur s'est fait une idée des personnages, des lieux, des émotions, qui ne concorde souvent pas avec celle que s'est faite le réalisateur. Et lorsqu'on s'attaque à un classique comme celui de Kerouac, les risques d'une mauvaise interprétation et de la perte de substance est en encore plus grande.
On the Road parle de drogues, de liberté sexuelle et intellectuelle, de voyages, de passion, de mal de vivre, de décadence. Des thématiques plutôt risquées pour l'époque durant laquelle se déroule l'histoire (1948-1950). Même en 2013, certaines images - comme celle d'un père de famille dans la quarantaine, le bras transpercé par une seringue, son jeune fils couché sur lui à demi-réveillé - peuvent encore déranger et choquer.
Visuellement, le film aurait pu bénéficier davantage de cette psychose qui anime le récit, de cette confusion qui meut chacun des personnages. La caméra à l'épaule est utilisée souvent (peut-être même à outrance) pour illustrer le nomadisme des protagonistes, leur libertinage et leur laisser-aller. Les plans larges de paysages en mouvement et les différents panoramas servent d'intermédiaires entre les villes que fréquentent les personnages et les situations auxquels ils doivent faire face. Peut-être y-a-t-il dans ces plans une redondance qui empêche l'histoire de s'émanciper, parce que, malgré la déviance de certaines scènes, le film paraît accroché à une logique, à une chronologie qui le retient d'étaler toute la fièvre qui l'anime pourtant dans l'écrit.
Garrett Hedlund est très habile sous les traits de Dean Moriarty, un tombeur invétéré, incapable de s'arrêter, incapable de prendre sa place au sein de la société. Sam Riley se débrouille généralement bien en Sal Paradise, mais on a souvent l'impression que n'importe quel acteur aurait pu interpréter ce protagoniste, détaché, spectateur et contemplatif. Kristen Stewart est, quant à elle, parfaite dans le rôle de Marylou, cette jeune femme fougueuse qui expérimente, risque tout et finit par se poser.
Chronique d'une existence débauchée et excitante, On the Road se prend dans le piège de la cohérence et de la langueur. On veut visiblement prendre le temps de raconter, peut-être pour faire vivre les émotions plus intimement aux spectateurs, mais on s'y perd et les cinéphiles en sont inévitablement affectés. Malgré des images magnifiques, une musique jazzée enivrante et certaines performances d'acteurs remarquables, On the Road rate sa cible et laisse une amère impression de déjà-vu à un public qui s'attendait pourtant à rencontrer la folie, la fureur de vivre.