Stuber n'est pas tant un film qu'une immense publicité pour Uber. Le héros fait le taxi afin de mieux gagner sa vie, une horde de ces véhicules retontissent à la fin pour sauver la mise des gentils et même le titre est un dérivé de l'entreprise. Ce n'est évidemment pas la première fois qu'un placement de produit - déguisé ou pas - apparaît à l'écran (faut-il se rappeler de l'inquiétant Ralph Breaks the Internet qui ciblait directement les enfants... une pratique interdite au Québec), mais il monopolise rarement tout le temps d'écran.
Au-delà de ses pratiques mercantiles, que vaut cette production? Il s'agit d'un hommage efficace et puéril aux années 80, à tous ces «classiques» sur des duos mal assortis qui doivent s'unir afin d'arrêter un criminel. Pensons à la recette de 48 Hours, Lethal Weapon et compagnie. L'action plongée dans la testostérone et l'humour crû mènent le bal, et bien que la qualité des gags s'avère variable, il y a toujours quelques situations exubérantes et d'autres, complètement délirantes pour décrocher un sourire. Surtout que la violence est sanglante, avec une succession de morts qui surviennent à l'improviste. Une absurdité qui est loin d'être désagréable.
Le scénario paresseux n'est qu'un prétexte pour mettre de l'avant le tandem en place. Les liens qui l'unissent n'ont plus une portée sociale ou symbolique (cette chaîne qui représente le racisme dans le vigoureux The Defiant Ones de 1958), mais purement capitaliste, à l'image du produit que l'on cherche à nous enfoncer dans la bouche. Je t'aide à la seule condition d'obtenir 5 étoiles pour mon évaluation client. Malgré cette moralité douteuse et de dégoulinants détours sentimentaux, Kumail Nanjiani s'amuse beaucoup en chauffeur qui doit apprendre à se laisser aller. L'hilarant humoriste n'en laisse pas passer une, donnant de l'effet à des dialogues usés. S'il n'apporte ni le coeur ni la flamme qui rendait si unique son brillant The Big Sick, il demeure l'élément le plus recommandable de cet effort.
L'ancien lutteur Dave Bautista ne fait pas le poids à ses côtés. Il a beau posséder les muscles de l'emploi, le charisme fait défaut. Sa prestance est plus proche d'un Steven Seagal ou d'un Dolph Lundgren que de Dwayne Johnson. Dans un groupe comme celui des Guardians of the Galaxy, sa prestation limitée passe mieux, mais pas lorsqu'il doit assurer la covedette d'un projet. Afin de rendre son personnage cocasse, quelqu'un quelque part a pensé que c'était une bonne idée de lui brouiller partiellement la vue. Eh oui, comme dans l'ancien dessin animé Mister Magoo. Cela donne des séquences répétitives qui portent rarement fruit.
C'est dommage également que le méchant de l'histoire ne soit pas mieux exploité. Son interprète Iko Uwais est un des acteurs les plus explosifs des dernières années, en ayant décoiffé plus d'un avec ses spectaculaires cascades dans les deux excellents tomes de The Raid. Ici il use beaucoup trop d'armes à feu, s'avérant une belle occasion ratée. Mais pourquoi les stars asiatiques appelées comme antagonistes dans les oeuvres américaines ne sont-elles jamais utilisées correctement? Faut-il se rappeler de Jet Li dans Lethal Weapon 4?
Dans le cas qui nous intéresse, c'est sans doute parce que le réalisateur canadien Michael Dowse (The F Word) a toujours été plus à l'aise dans l'humour que dans l'action. Ses scènes de confrontations sont tellement mal filmées qu'elles donnent le tournis. Au moins le rythme général de l'ensemble demeure enlevant, la musique de Joseph Trapanese plus que soignée et il y a même des clins d'oeil à John Woo!
Dans la lignée de Central Intelligence et de toutes ces productions interchangeables sur des duos dépareillés, Stuber s'avère tout au mieux un divertissement léger, agréable à ses heures et souvent oubliable. Avant d'en arriver là, il faudra accepter son côté infopub, ce qui est loin d'être évident.