Le risque dans ce genre de drame biographique est de faire passer le contexte (dans le cas présent : l'attentat du marathon de Boston) avant la quête du héros. Heureusement, David Gordon Green évite habilement le piège du sensationnalisme et consacre son énergie à expliquer et mettre en images le drame vécu par son protagoniste le 15 avril 2013.
Connaissant les Américains et leur tendance à l'excès, nous craignions que la séquence de l'attentat du marathon soit fracassante (et peu respectueuse) avec des explosions à faire crisser les haut-parleurs des cinémas, des images apocalyptiques et une musique patriotique inappropriée, mais, à notre grande surprise, ce n'est que par une boule de feu et une commotion au loin qu'on a choisi de décrire le drame la première fois. On nous présente bien quelques extraits de la tragédie du point de vue de victimes autre part dans le film, mais ces souvenirs sont respectueux des évènements en plus d'être accompagnés par un contexte de réhabilitation cohérent.
Le personnage, tout comme le vrai Jeff Bauman, est très drôle et attachant. Malgré les épreuves excessivement difficiles qu'il traverse, il arrive à trouver une parcelle de bonheur et de rire dans sa tragédie. C'est probablement cet humour qui nous permet de l'aimer aussi naturellement. Jake Gyllenhaal, qui avait déjà prouvé ses extraordinaires talents d'acteur dans Brokeback Mountain, Prisoners et plus récemment Nightcrawler et Demolition, ne déçoit pas dans le rôle-titre. Bien qu'il y ait des scènes d'une grave intensité dans Stronger, c'est dans les séquences plus légères et candides que Gyllenhaal nous étonne le plus. Le comédien a une façon bien particulière de dépeindre ce jeune homme ordinaire; avec un respect, un amour et une sincérité qui nous touche droit au coeur.
Il faut dire que le combat de Jeff Bauman en est un très inspirant. Son courage, mais aussi sa souffrance, son impuissance et sa rancoeur s'avèrent inspirants. La ville de Boston a fait de Bauman un héros, le porte-étendard d'une lutte contre le terrorisme , mais le jeune homme, simple employé de Costco, n'avait pas les reins suffisamment solides pour assumer ce rôle. Le choix du réalisateur et des auteurs de nous montrer cette descente aux enfers du protagoniste, refusant sa condition et son statut de héros de guerre en est un pertinent, qui porte à réfléchir.
Avec ses moments d'une grande brutalité (les scènes de l'explosion en plan rapproché sont difficiles à regarder) et ses séquences d'une douce simplicité, Stronger réussit un pari risqué, celui de présenter un drame biographique honnête et mesuré sur une tragédie qui a marqué l'Amérique.