Matt Damon n'aura jamais été aussi bon que dans Stillwater de Tom McCarthy, un film qui vient tout juste d'être présenté au Festival de Cannes.
Quelle est la meilleure performance en carrière de Matt Damon? The Martian? The Informant!? Good Will Hunting? Il se surpasse en redneck de passage en France qui tente de trouver des preuves afin de libérer sa fille (Abigail Breslin) de prison. Enfin un rôle de composition pour celui qui joue toujours un peu de la même manière! Il l'habite avec sensibilité et subtilité, prêt à exploser à chaque moment. Son personnage finement écrit évite le manichéisme d'usage, se révélant particulièrement complexe.
Il forme d'ailleurs un duo étonnant avec Camille Cottin (Chambre 212, Le mystère Henri Pick), coqueluche du cinéma français des dernières années et qui lui sert d'interprète. L'actrice solaire embrase tout avec son regard et son humour. À ses côtés, la jeune Lilou Siauvaud qui incarne sa progéniture est tout simplement craquante. On assiste d'ailleurs à un passage de relais entre Abigail Breslin, promise à de grandes choses en bas âge (Signs, Keane) et qui n'a jamais su exploiter son potentiel en vieillissant, et la comédienne de huit ans.
Le long métrage n'est toutefois pas toujours à la hauteur de leur interprétation. Il est pourtant signé Tom McCarthy, oscarisé il y a quelques années pour son excellent Spotlight. Le voilà repartir dans une nouvelle quête de vérité, lente et minutieuse, qui mélange habilement les genres, passant allègrement du drame social au suspense judiciaire, sans oublier le polar, le récit de vengeance et la romance. Jusqu'à ultimement évoquer le chef-d'oeuvre Casablanca. Une mise en scène moins impersonnelle et un usage plus dosé de la musique auraient cependant pu permettre à la production de s'envoler au lieu de rester sur le plancher des vaches.
Surtout que la mécanique qui traîne en longueur finit par grincer et s'enrayer avant la fin. Le scénario puissant au demeurant ne tarde pas à se dégonfler tant les trous scénaristiques et les hasards commodes se succèdent. Écrit par un trio qui comporte Thomas Bidegain (qui a contribué à plusieurs opus phares de Jacques Audiard), le coeur narratif de l'ouvrage sonne juste dans les scènes de la vie quotidienne et se veut moins crédible lorsque vient le temps d'élever les enjeux.
C'est d'autant plus dommage que les thèmes abordés s'avèrent ambitieux. C'est la place des États-Unis dans le monde qui en prend pour son rhume, incapable de communiquer avec ses semblables. Pour y arriver, il faudra s'ouvrir sur l'autre, (se) pardonner et resserrer les liens familiaux. Puis il y a le regard de l'étranger qui est loin d'être dénué d'intérêt, voyant ce qui est souvent la norme, agissant avec ses propres moeurs et préjugés dans une ville d'errance comme Marseille.
Une conscience mérite d'être rétablie et elle passe par Matt Damon, qui porte ce film imparfait, mais néanmoins touchant et intéressant sur ses épaules. Qui sait, cela le mènera peut-être à l'Oscar...