Avec The Rise of Skywalker, la conclusion de la plus récente trilogie de Star Wars, Disney enterre complètement la vision de George Lucas. Pour le meilleur comme pour le pire.
Écrire sur un phénomène mondial comme Star Wars est toujours un exercice périlleux. Surtout avec un embargo à respecter et sans divulgâcheur qui permettrait de pousser la réflexion plus en profondeur. Après un septième épisode qui faisait dans la nostalgie bon marché, la série a osé se réinventer en allant ailleurs grâce au très bon The Last Jedi, s'attirant au passage la foudre des fans. Résultat? Le neuvième tome retourne sagement dans des chemins balisés en renouant avec une formule gagnante qui prend bien peu de risques.
Le tout débute dans le chaos le plus total, alors que les différents personnages semblent propulsés au sein d'aventures incroyables qui défient toute logique. Peu importe les enjeux, s'il y a de l'action, des effets spéciaux et que la caméra bouge continuellement. Le long métrage pourrait prendre 10 tangentes différentes afin d'aboutir à autant de créations. Au bout d'une demi-heure, un choix a été fait, l'histoire est rééquilibrée jusqu'à la fin et on ne pourra plus revenir en arrière comme chez les Avengers.
Les cinéphiles qui ont pu voir Frozen 2 se sentiront en terrain connu. La quête familiale vers le passé est similaire, tout comme les relations entre les individus. Pendant tout le récit, de nombreuses personnes feront la morale sur la nécessité de travailler ensemble, en équipe, afin de faire triompher le ON et le NOUS. Un discours martelé jusqu'à plus soif, comme si le spectateur n'était pas capable de l'avoir compris les trois, quatre premières fois.
Cela a comme impact d'aseptiser les héros, de les fondre dans la masse en les rendant encore plus lisses que d'habitude. Alors qu'on s'attendait finalement à en savoir plus sur eux, la majorité a été sacrifiée (sur le plan scénaristique, évidemment). Poe? Bah, toujours la même rengaine, il n'y a pas eu d'évolution psychologique. C'est le vide total du côté de Finn qui fait littéralement de la figuration. Quant à Rose Tico, si importante dans le précédent effort, elle semble carrément reniée par l'équipe de production. Même le charmant Chewbacca possède plus de répliques qu'elle!
Heureusement qu'il reste Kylo Ren et Rey. Leur dualité d'ombre et de lumière demeure toujours aussi efficace bien qu'elle s'avère éprouvée. Adam Driver amène des nuances insoupçonnées à son méchant emo, alors que Daisy Ridley peine à l'imiter, si ce n'est en fronçant les sourcils. De l'immense et originale piste annoncée par son prédécesseur (n'importe qui peut devenir un héros Jedi: il ne faut pas seulement être élu selon le sang), la nouvelle intrigue revisitée pour l'occasion - et qui ne fait plus trop de sens - revient sagement au bercail dans sa façon d'aborder le destin et l'importance du milieu social.
La technique est pourtant tellement bien huilée qu'il est presque impossible de s'y ennuyer. J.J. Abrams est de retour derrière la caméra et il appose sa vision unique à cet objet plastique, le rendant plus sombre et torturé qu'à l'époque de The Force Awakens. Sa façon de créer des images fortes et marquantes captive amplement, surtout qu'il possède un sens épique du spectacle. Combiné aux mélodies de l'éternel John Williams, le facteur divertissement est assuré pour cette apothéose tant attendue.
C'est seulement dommage que les frissons habituels n'apparaissent plus dès les premières secondes du légendaire thème musical de l'introduction. A-t-on tari la source en multipliant autant d'épisodes officiels et de dérivés en si peu de temps? Même l'émotion y est généralement absente, étant manipulée par l'apparition successive d'anciens personnages - la Leia de la regrettée Carrie Fisher y figure - qui sont là pas tant par utilité que pour apporter une nostalgie supplémentaire à l'ensemble. Quant à l'humour, n'en parlons pas puisqu'il s'avère limité.
Il n'y a sans doute rien de plus difficile que de boucler la boucle à une trilogie. L'enfantin Return of the Jedi faisait pâle figure dans la série, alors que Revenge of the Sith élevait la barre jusqu'à devenir un des meilleurs épisodes du lot. Après avoir passé son temps à vouloir s'affranchir du passé en tuant ou sacrifiant ses icônes Han Solo et Luke Skywalker, The Rise of Skywalker finit par éluder, adoucir ou remettre les compteurs à zéro de ce qui restait des visées de George Lucas afin de recommencer, qui sait, sur des nouvelles bases. Star Wars est mort, vive Star Wars!