Dire qu'il y a eu trop de films de superhéros depuis l'avenue du 21e siècle est devenu une évidence, presque un euphémisme. Combien faudra-t-il de moutures de Spider-Man ou de Batman pour que quelqu'un se dise : "bon, je crois que maintenant nous avons vraiment fait le tour de la question"? Les seules nouvelles versions acceptables sont celles qui secouent l'ordre établi, qui réussissent à nous amener complètement ailleurs, à changer nos perceptions sur le personnage ou l'univers dans lequel il évolue. Bien qu'il y ait eu beaucoup de bons films d'aventures fantastiques mettant en scène des protagonistes costumés aux pouvoirs surnaturels ces dernières années, peu d'entre eux remplissaient le mandat. Spider-Man: Across the Spider-Verse, lui, réussit l'exploit haut la main.
Le film d'animation n'a rien de conventionnel ou de répétitif. Si Spider-Man: Into the Spider-Verse était une introduction à une approche différente, une expérimentation qui cherchait à savoir si le public était prêt à voir éclater les balises du CGI traditionnel, sa suite ose sans ménagement et propose autant une oeuvre d'art plastique exceptionnel qu'un divertissement familial efficace.
L'histoire n'est pas simple, mais heureusement, on ne laisse pas le cinéphile à lui-même. On explique et réexplique lorsque les choses se corsent et on fait des rappels réguliers pour ne pas perdre en chemin les plus jeunes spectateurs ou ceux qui seraient moins familiers à l'univers de la bande dessinée. Déjà, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de différents Spider-Man (Miles Morales, Peter Parker, Miguel O'Hara, Ben Reilly, etc.) dans ce film. Ils se rencontrent tous alors que Gwen Stacy (Spider-Woman) rejoint un groupe de défense du multivers, composé uniquement de Spider-Man. Alors qu'elle est à la poursuite d'un méchant sur Earth-616, là où vit Miles, elle décide d'aller rendre une petite visite à son ami, malgré les interdictions de ses collègues. Celui-ci la suit dans un autre monde et fait une bourde qui cause bien des tracas au chef du groupe, Miguel O'Hara. Rapatrié au quartier général, Miles apprendra qu'un danger guette un membre de sa famille et s'efforcera de retourner chez lui afin d'empêcher que le pire se produise. Les différents Spider-Man se lanceront alors à sa poursuite puisque le geste salvateur qu'il s'apprête à poser pourrait bien causer des dommages irréversibles.
Bien que l'action ne manque pas et que le récit est assez captivant, c'est surtout l'esthétisme de l'image dont on parlera. Sa beauté chaotique est à la fois émouvante et éblouissante. C'est très chargé, mais c'est aussi très soigné et réfléchi. Il n'y a pas un détail qui a été laissé au hasard. Les éléments d'arrière-plan ont été pris en compte, presque au même titre que ceux du premier plan. La morale n'en est pas une superficielle non plus. Au-delà du classique « Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités », le film nous amène à nous questionner sur le monde dans lequel on vit, les choix que nous faisons, les actions que nous posons et la personne que nous souhaitons être ou devenir. Oui, oui, tout cela dans un film d'animation de superhéros.
La production aura laissé traîner d'innombrables « easter eggs » ici et là pour les vrais fans. Les plus néophytes ne les remarqueront pas, mais cela ne les empêchera pas de passer un bon moment malgré tout. Ils souffriront peut-être un peu plus des quelques longueurs du long métrage de près de deux heures, mais rien pour gâcher leur expérience.
À voir sur le plus grand écran possible!