Adaptation du manga japonais du même nom, fabulation d'une série Nascar en mode fantastique, curieux mélange entre les rêves d'un gamin jouant avec ses Hot Wheels et son jeu de Nintendo Mario Kart, Speed Racer est le fruit d'une hybridation culturelle et esthétique totale, et est certainement l'un des exemples les plus probants - le plus troublant, peut-être? - de l'intermédiatisation qui se joue en crescendo au sein de la cinématographie contemporaine.
Speed Racer est un jeune virtuose du volant qui ne vit que par et pour la course automobile. Porté par le souvenir de son frère, le légendaire Rex Racer, mort sur le champ de bataille, Speed lutte férocement pour perpétuer l'excellence familiale et devenir le meilleur d'entre tous les pilotes. Il devra toutefois compter sur l'appui de son clan s'il veut venir à bout des complots machiavéliques du numéro 1 de la Royalton Industries qui, à la suite du refus de Speed de joindre son équipe, tente par tous les moyens de l'éliminer. En s'alliant avec son mystérieux rival, Racer X, Speed tentera de remporter l'épreuve de Crucible - le rallye en deux étapes dans lequel son frère a trouvé la mort -, et de trouver, tout à la fois, une façon quelconque d'extirper sa famille des griffes de la Royalton Industries.
On connaissait déjà les frères Wachowski pour la célèbre trilogie The Matrix, dans laquelle s'enchaînaient les scènes d'actions « super-ultra-exta » époustouflantes. À leur façon particulière et beaucoup grâce à l'utilisation révolutionnaire qu'ils avaient fait de certaines technologies numériques, les frères Wachowski avaient effectivement, à l'époque, révolutionné le monde du cinéma. C'est donc visiblement sans autre ambition nouvelle que celle d'en mettre plein la vue que les deux cinéastes ont abordé ce nouveau projet; pourquoi changer une recette gagnante, après tout?
Disons-le une fois pour toutes, Speed Racer est un film à la conception impeccable, qui réussit là où plusieurs autres films du même acabit échouent lamentablement chaque année, soit d'immerger totalement le spectateur dans le film, de lui faire vivre - lui faire ressentir, plutôt - des actions impossibles, abracadabrantes, bref, de lui en mettre plein la gueule!
Emile Hirsch, l'un des acteurs les plus en vogue du moment et certainement l'un des plus talentueux de sa génération, est parfait dans le rôle de Speed, tout comme Christina Ricci, rafraîchissante dans le rôle de Trixie. L'ensemble de la distribution offre par ailleurs une performance tout à fait respectable, acceptant d'office les limitations relatives au genre dans lequel s'inscrit le film - un film pour enfants et pour adultes - et en acceptant de jouer le jeu du film. Il faut bien avouer, de toute façon, que l'importance des acteurs dans le film est toute relative, et qu'ils ne sont que des agréments, des compléments aux véritables actants de ce film : l'imagerie de synthèse et les effets spéciaux.
Il y aura toujours de ces gens pour regretter la matérialité du médium cinématographique au profit du médium numérique (lire les nouvelles technologies), non par pur conservatisme, comme on l'entend trop souvent, mais plutôt parce que le numérique mène trop souvent à l'excès; n'était-ce pas là, par ailleurs, l'une des thématiques du dernier effort des deux frères, le propos même de la trilogie de The Matrix?
Il est vrai, on regrette un peu ce talent gâché par l'excès, justement, lorsque l'on visionne Speed Racer. Là où The Matrix s'était imposé à grands coups d'explosions et d'effets spéciaux, mais aussi à coups de réflexions et d'innovations, Speed Racer s'attarde à... peu de choses, en fait. Des thématiques grossièrement esquissées, des réflexions déjà mortes de leur belle mort tellement elles sont régurgitées en boucles depuis autant d'années dans le coeur même du cinéma classique hollywoodien... Non, c'est avec amertume que l'on visionne ce film - tout de même jouissif au premier degré, il faut l'admettre -, et que l'on espère qu'il ne soit qu'un faux pas, qu'une erreur de parcours. Et dire qu'on parle déjà de trilogie, et d'une suite encore plus spectaculaire...
Speed Racer a toutefois la qualité de ses défauts, et il saura sans aucun doute ravir les plus jeunes, comme avait sur le faire Robert Rodriguez avec sa trilogie des Spy Kids - parlant d'orientation de carrière discutable... - les plus vieux, ceux qui les auront accompagnés, ceux, encore, avides de sensations fortes et de divertissement dans les règles de l'art, sauront bien, aussi, y trouver leur compte. Speed Racer n'est pas un mauvais film, au fond. C'est sans doute qu'on avait le regard ailleurs, et qu'on attendait autre chose, voilà tout.