Actrice talentueuse, Zoë Kravitz (The Batman, Kimi) se lance à la réalisation avec Blink Twice, un suspense férocement féministe qui a toutes les chances de devenir le prochain Get Out.
Frida (Naomi Ackie) croit rêver. Elle est parvenue à attirer l'attention d'un riche philanthrope (Channing Tatum) qui l'invite à séjourner sur son île privée. Dans ce lieu paradisiaque, les hommes et les femmes conviés s'amusent royalement. Mais les apparences sont souvent trompeuses et une menace plane peut-être à l'horizon...
Ce brillant long métrage se déroule en deux temps. Il y a la longue montée euphorique où le bonheur semble infini. Les gens font la fête dans un cadre idyllique, l'alcool coule à flots et les excès de drogues ne sont pas rares. Les jours et les nuits se succèdent et rien ne peut altérer la bonne humeur des convives. Une première partie exaltante, qui traîne toutefois un peu en longueur.
Puis une incroyable révélation survient, changeant à jamais la perception de l'héroïne. Revenir en arrière sera dorénavant impossible. À partir de là, cela ne prend d'ailleurs que peu de temps à la satire avant de verser dans le cauchemar. Le récit se transforme en film de genre inconfortable, avec son lot d'hémoglobine, de scènes effroyables et de moments terrifiants.
Il ne faudrait surtout pas éventrer cette surprise à rendre jaloux M. Night Shyamalan. Un sujet brûlant que l'on pouvait retrouver à un état embryonnaire dans des productions aussi différentes que Don't Worry Darling et Dilili à Paris. Il sera question de contrôle des riches sur les pauvres, des blancs sur les noirs et, surtout, des hommes sur les femmes. Un cycle de violence qui se perpètre et se perpétue dans l'ombre, engendrant la grande colère de cette création atypique qui s'inscrit parfaitement dans l'ère #metoo. Extrêmement malin, le scénario qui glace régulièrement le sang tente de renverser cette aliénation et y parvient ultimement, au détour d'une finale particulièrement ambiguë.
La mise en scène alerte entretient habilement le mystère. D'abord en misant sur des ellipses audacieuses afin de rompre lentement mais sûrement le contact de la protagoniste avec la réalité. Puis en y insufflant du mouvement et de l'énergie, agrémentant le montage élaboré d'habiles plans séquences sous fond de danse. Il y a finalement une utilisation habile de la musique et surtout des silences, créant une ambiance et une atmosphère particulière, non dénuée de sursauts.
La distribution hétéroclite participe également au plaisir en place, rappelant que les stars d'antan - les Christian Slater, Haley Joel Osment, Geena Davis et autres Kyle MacLachlan - n'ont pas dit leur dernier mot. Découverte au sein du magnifique Lady Macbeth, Naomi Ackie est impeccable dans le rôle principal, offrant un étonnant mélange de force et de fragilité. Jouer sous la direction de son amoureuse semble avoir donné des ailes à Channing Tatum, qui n'aura jamais paru aussi charismatique et insaisissable.
En plus d'être la plus belle surprise estivale issue des grands studios américains, Blink Twice s'avère un véritable vent de fraîcheur à une époque où les suites et les variations sur des airs connus déçoivent amèrement. Intelligent et subversif, le film aborde des sujets nécessaires en manipulant sans cesse le spectateur, l'amenant sur de fausses pistes avant de lui faire éclater la vérité en plein visage. Impossible d'en ressortir indemne.