Mettant en vedette une panoplie de « gentils paumés », Soul Kitchen s'avère être un décevant film social, caché derrière une comédie de situation particulièrement peu inspirée. Ses stéréotypes et son humour dépassé ne convainquent jamais (les maux de dos récurrents, ce n'est pas exactement de l'humour intelligent (ce n'est même pas drôle), pas davantage que le personnage du joueur compulsif qui perd tout aux cartes). Alors on doit chercher ailleurs les quelques qualités d'un film sans grande ambition ni inspiration.
Zinos possède un petit restaurant d'Hambourg dont la qualité et la salubrité sont plus que discutables. Ses clients réguliers apprécient sa nourriture, mais lui aspire à mieux. Souhaitant rejoindre sa copine partie travailler en Chine, il cherche un successeur pour s'occuper du restaurant. Blessé au dos, il doit en attendant engager un nouveau chef, qui révolutionne sa carte (au grand déplaisir des réguliers), pendant qu'un prospecteur immobilier tente de lui acheter le terrain. Les choses ne s'arrangent pas lorsque son frère, qui vient d'obtenir une libération provisoire, vient travailler pour lui.
Le scénario de Soul Kitchen s'avère particulièrement pauvre dans son développement narratif; les scènes prévisibles se succèdent, couplées à un humour anodin qui mélange mauvais goût et manque complet d'innovation. Certaines scènes musicales s'avèrent particulièrement bien réalisées, mais c'est tout. Le scénario présente les différents éléments du film avec tellement de simplicité qu'on devine du premier coup la suite de l'histoire. Est-ce que quelqu'un va être étonné de voir que la copine qui part en Chine va se faire un nouveau petit copain? Faut-il absolument faire une scène là-dessus? Est-ce que c'est drôle un cercueil qui se renverse? Et puer dans un restaurant chic, est-ce que c'est drôle? Une autre question, comme ça, entre vous et moi : est-ce que c'est vraiment plus drôle de mélanger un aphrodisiaque à une recette qu'un laxatif, par exemple? La différence, elle est où?
Ne pouvant pas être considéré comme le « portrait » d'une société ou d'une ville, Soul Kitchen ne s'élève jamais au-dessus de la comédie populaire ratée. Pour dénoncer, il faut plus que quelques clins d'oeil insignifiants (dans le sens premier de « non-porteurs de sens »). On aimerait bien retrouver la passion de ce chef qui refuse systématiquement les compromis sur la qualité plutôt que tous ces gags recyclés. Il est le personnage le plus intéressant de cette histoire et il est outrageusement sous-utilisé, caché derrière les ambitions burlesques d'un personnage principal dont l'exagération n'a d'égal que le ridicule. Que ce soit volontaire ou non n'y change rien.
D'autant que la finale s'avère plus frustrante encore. Sans surprise, tout s'arrange - les gentils s'en sortent, les méchants paient pour leur méchanceté et les gens de bon coeur sont récompensés. Un véritable deux ex machina de la comédie, du happy-end : par chance, l'ex, qui se sent coupable, a hérité de beaucoup d'argent, et justement l'édifice est à vendre. Par pure coïncidence, la thérapeute est célibataire et jolie. Cela aurait pu être délicieusement ironique, c'est plutôt accablant de « bonheur ». Dans un film si rigoureusement urbain, quotidien, sobre, si près des gens, on s'étonne d'avoir l'impression de voir une « bonne fée » venir contrôler leur destin. C'est presque choquant tellement cela détonne avec l'impression que donnait ce Soul Kitchen. Et ce le serait si on n'était pas déjà désintéressé à ce moment-là.