Depuis 2009, le phénomène Slender Man fait son chemin sur Internet, établissant une véritable légende urbaine autour de ce Bonhomme Sept Heures qui enlèverait des gens. Il y a eu des jeux vidéos à son effigie, un documentaire d'HBO et maintenant un film pour le cinéma.
Afin de tromper leur ennui, quatre adolescentes d'un petit village sans histoire décident de l'invoquer. Elles n'ont sûrement jamais vu Candyman ou joué à Ouija, car il s'agit d'une très mauvaise idée de déranger les présences surnaturelles. Quand une des amies disparaît mystérieusement, les autres se lancent à sa recherche. Elles ne soupçonnent pas un voisin comme dans Summer of 84, mais cet homme sans visage - non, il ne s'agit pas de Mel Gibson du long métrage du même nom - aux bras anormalement longs. Une entité qui ressemble aux méchants de Miss Peregrine's Home for Peculiar Children et qui est capable de faire disparaître des individus... ou de les rendre cinglés.
Sur papier, il y a du matériel intéressant dans cette modeste production américaine. Surtout que c'est le talentueux David Birke (le scénariste du brillant Elle) qui s'est appliqué à l'écriture. Manque de bol, Slender Man semble avoir été rédigé à la va-vite sur le coin d'une table. On ne compte plus les fils blancs, les invraisemblances et les revirements télécommandés. En fait, il ne s'agit que d'une grossière copie de It, à la fois dans le développement des scènes épeurantes (il y en a même une dans une bibliothèque et le monstre se transforme en araignée) que dans l'élaboration des métaphores sur l'adolescence, la matérialisation des peurs et le désir de changer d'air. Le tout avec cette folle envie, ratée, d'être le Ringu de sa génération.
Après quelques efforts guère convaincants (La marque des anges, The Losers, Stomp the Yard), le réalisateur Sylvain White retourne au suspense d'épouvante, là où il a amorcé sa carrière avec le pénible I'll Always Know What You Did Last Summer. Quoique moins catastrophique, sa nouvelle création n'est toutefois pas particulièrement enlevante, manquant de frissons et ne tenant jamais en haleine. La mixture d'une atmosphère dérangeante et d'une ambiance sombre ne semble pas être évidente et le cinéaste ne se sent véritablement en contrôle que dans la seconde partie de l'essai. Celle où les sursauts gratuits et les rêves abondent, ce qui n'empêche pas un moment ou deux de fonctionner. L'ensemble est cependant trop générique et routinier pour qu'on s'y attarde, même si l'interprétation d'ensemble s'avère compétente.
Ni drame psychologique remettant en question l'équilibre de cette amitié féminine (ce n'est pas Happy Hour), ni thriller angoissant où le manque de moyens est comblé par une surenchère d'idées brillantes (comme dans The Crescent), Slender Man surfe paresseusement dans le creux de cette vague de films d'horreur qui déferle depuis quelques années et qui marque le renouveau du cinéma horrifique. Ce n'est donc pas une surprise s'il n'y a eu aucune projection réservée à la presse... Déjà que cette légende urbaine a, dans la vraie vie, inspiré un fait divers morbide qui a résulté en une tentative d'assassinat. En tirer un film, même si l'histoire n'est pas la même, est un manque flagrant de décence et d'humanité.