Ce qui est bien dans le cinéma d'horreur, c'est qu'à peu près n'importe quel objet peut devenir un tueur en série. Après notamment les tomates, les cheveux, le sushi, le pneu et la veste 100 % daim, c'est au tour du jean dans Slaxx.
Présentée dans la plus récente édition de Fantasia où il a remporté le Prix du public, cette création d'ici qui a déjà été vendue à l'international tranche avec les autres productions du genre. Malgré une idée complètement farfelue et un budget rachitique, le film ne semble ni fauché ni stupide, déployant un réel travail de mise en scène de la part de la cinéaste Elza Kephart (réalisatrice de Graveyard Alive et Go in the Wilderness: deux efforts ingénieux qui n'ont malheureusement jamais été distribués en salles) qui utilise sa photographie, son montage, sa musique et ses effets visuels à bon escient tout en gardant une spécificité québécoise. Des habiletés techniques qui font toute la différence, élevant l'art au passage.
Le scénario de Kephart et de son éternelle complice Patricia Gomez Zlatar respecte les conventions - lieux clos, personnages idiots - en multipliant les clins d'oeil aux classiques: de Rubber à John Carpenter. Sans réellement faire peur, les séquences de carnage restent efficaces et elles ne manquent pas d'hémoglobine. L'humour mène généralement le bal et s'il s'avère un peu poussif (c'est sans doute la faute de l'interprétation outrancière, la seule exception étant la solaire Romane Denis), on ne tardera pas à prendre parti pour les jeans plutôt que les humains. C'est cette pièce de vêtement qui obnubile l'esprit, engloutissant le sang de leurs adversaires tout en se permettant de danser sur une mélodie de Bollywood!
La présence de l'Inde n'est pas fortuite. C'est là-bas que des personnes de 13 ans sont exploitées afin d'assembler le coton de ces jeans qui seront vendus une fortune. Même si elle n'est pas très subtile, la critique du capitalisme et de l'industrie de la mode demeure féroce et pertinente. Le script permet pratiquement une vengeance de l'opprimé sur l'oppresseur, découlant au passage sur les complices - les clients - qui achètent tout et n'importe quoi. La satire ne s'arrête d'ailleurs pas là, s'attaquant à la fois aux modes bio et équitables qu'à tous ces influenceurs avec des résultats mordants et dégoulinants.
Non sans baisse de tension ou d'intérêt par moment, le long métrage n'a pas l'ambition ou la prétention de révolutionner quoi que ce soit. C'est le plaisir éphémère et immédiat des sens qui est sollicité. À ce chapitre, voir le film en salle, au sein d'un auditoire en liesse, risque d'augmenter ses effets jouissifs. Le délire risque d'ailleurs d'être plus grand et intense que de récents efforts locaux qui exploraient également le genre, que ce soit Jusqu'au déclin ou Aquaslash. Qui sait, peut-être qu'un jour, Slaxx deviendra culte, à l'instar de Turbo Kid pour le public et des Affamés pour la critique.