Derrière les murs du pénitencier à sécurité maximale de Sing Sing, dans l'État de New York, des détenus ont développé un programme de réhabilitation à travers les arts, les amenant à monter périodiquement une pièce de théâtre, puis à la jouer devant l'ensemble des prisonniers de l'endroit.
Motivée par la volonté d'offrir à leurs codétenus un spectacle différent cette fois-ci, la troupe décide de monter sa propre production à teneur plus comique, y incorporant plusieurs éléments qui ne vont pas nécessairement ensemble, mais rien qu'un contexte de voyage dans le temps ne saurait justifier.
À ce groupe appartient John « Divine G » Whitfield (Colman Domingo), un homme ayant écopé d'une peine maximale pour un crime qu'il n'a pas commis. Il est aussi celui qui a le plus d'expérience en art dramatique et en écriture parmi ses confrères. Durant les répétitions, Divine G prend sous son aile un codétenu dont il a repéré le potentiel, tout en se préparant pour l'audience qui pourrait enfin l'innocenter, et lui permettre de retrouver sa liberté.
Dès les premiers instants, le long métrage de Greg Kwedar affirme un profond désir d'authenticité, portant à l'écran cette histoire vraie en entourant sa tête d'affiche d'anciens détenus ayant réellement pris part à ce programme de réhabilitation par le passé.
Évidemment, le milieu carcéral a toujours été foisonnant d'histoires de rédemption, de seconde chance, de redécouverte de soi et de ce qu'il y a de plus beau chez l'être humain, mais à travers le parcours de personnages ayant pourtant commis les actes les plus laids et répréhensibles que nous puissions imaginer.
Il y a un tel niveau de sincérité dans la démarche de Kwedar, qui porte constamment un regard profondément empathique sur ces individus ayant été pendant trop longtemps leur propre pire ennemi. Des hommes ayant finalement la chance d'extérioriser leurs émotions et de montrer leur vrai visage par l'entremise - paradoxalement - du jeu et de la scène.
Le cinéaste nous fait arpenter l'intérieur de la prison d'une manière aussi naturelle que poétique, sa mise en scène à la fois discrète et lumineuse étant d'autant plus bercée par les élans musicaux délicats et organiques du compositeur Bryce Dessner.
L'ensemble est dynamisé par un montage tout aussi précis et rythmé, alternant avec une admirable fluidité entre les moments que le scénario isole dans le temps et l'espace et une cadence beaucoup plus fragmentée. Le tout nous permet de prendre pleinement conscience de la dureté et de la froideur des lieux, mais aussi des rapports humains et de l'esprit de solidarité qui peuvent y trouver racine lorsqu'on leur en donne l'opportunité.
Les comédiens expérimentés mais non-professionnels accompagnent et soutiennent avec beaucoup de flair et d'humanité un Colman Domingo au sommet de son art, offrant une performance extrêmement touchante, empreinte d'autant de force de caractère que de vulnérabilité, de générosité et d'écoute que d'envie.
À la fin de l'année, Sing Sing ressortira assurément comme l'un des drames les plus beaux, prenants et maîtrisés de 2024. Greg Kwedar vise ici l'expérience humaine avec un grand H, dans tout ce qu'elle a de plus pure, imprévisible et imparfaite. Avec ses hauts et ses nombreux bas, mais toujours avec la même certitude qu'il y a quelque chose digne d'être découvert et raconté enfoui en chacun de nous.
Le réalisateur arrive à des fins aussi vertigineuses en se concentrant avant tout sur le projet même qui unit cette troupe, et qui leur permet de se libérer d'une prison psychologique parfois encore plus contraignante et étouffante que les murs de béton, les barreaux de fer et le barbelés du pénitencier.