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Portrait de femme brisée australo-iranienne.
Pour un premier film, la réalisatrice australienne Noora Niasari fait preuve d’une maîtrise indéniable de son sujet et des outils offerts par le cinématographe. Elle nous offre ainsi avec « Shayda » un film féministe fort et bien dosé qui frappe juste et nous interpelle. La jeune cinéaste brosse un portrait de femme à la fois impactant et bouleversant. Et son atout maître est sans conteste l’actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi qui avait reçu le prix d’interprétation à Cannes il y a deux ans pour le magistral et puissant polar iranien « Les Nuits de Mashad ». On l’a revu dans le film français sur l’immigration illégale « Les Survivants » avec Denis Ménochet, preuve de sa versatilité de jeu et de langage. Ici, en femme brisée par un mari violent et abusif qui tente de protéger sa fille, elle irradie l’écran et nous touche en plein cœur. Sa prestation est incroyable, on ressent aussi bien sa peur lorsqu’elle est obligée de confier sporadiquement sa petite fille à son mari tout comme son envie de liberté et de tirer un trait sur son passé malgré les regards de biais de sa communauté. On retrouve ici également Leah Purcell, tout aussi excellente, dans un rôle voisin de celui qu’elle tenait dans la magnifique série « Les Fleurs sauvages d’Alice Hart ».
Niasari place son histoire dans les années 90 au moment où beaucoup d’étudiants internationaux venaient valider leurs études en Australie, ce qui est le cas de sa protagoniste principale et de son infâme mari, tous deux iraniens. Cela donne à « Shayda » un parfum d’exotisme et de lointain pour nous spectateurs de l’hémisphère nord, le film étant partagé entre des inspirations occidentales (l’Australie ayant beau être en Océanie, c’est un pays faisant partie de l’Occident en tous points) et arabes, avec la communauté iranienne émigrée que l’on découvre ici. On sent une fort part autobiographique dans cette histoire où les us et coutumes provenant de l’Islam, avec un patriarcat écrasant et obsolète, se marient mal avec celles du pays des kangourous. Il souffle un vent contestataire en filigrane dans le long-métrage, où le besoin d’émancipation de la femme arabe est encore caduc et loin de ce qu’il est aujourd’hui bien que cela n’ait guère changé, voire s’est empiré, dans certains pays musulmans dont l’Iran.
Durant deux heures, au gré des tergiversations juridiques d’un divorce compliqué pour une immigrée loin de son pays et de la peur que son enfant soit enlevé, on est aux crochets de ce personnage magnifique de femme blessée qui choisit de se battre pour sa liberté et celle de sa fille face à un père menaçant et imprévisible. L’émotion est présente à chaque instant et se mêle à une tension sourde et omniprésente. « Shayda » est à la fois une œuvre forte dans ce qu’elle raconte et touchante dans ce à quoi elle aspire : montrer que le combat féministe contre l’obscurantisme religieux et sociétal est un combat de chaque instant et de chaque époque. Tout comme celui du qu’en-dira-t-on lorsqu’on veut s’émanciper à une époque où la société et le féminisme n’étaient pas encore ce qu’ils sont à l’heure actuelle. Et malgré quelques longueurs et répétitions, on est face à une œuvre d’une infinie justesse qui frappe fort sans sombrer dans le chantage à l’émotion ou le didactisme de mauvais aloi. Une belle surprise que ce premier film entre choc et douceur.
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