Un film pour enfants sans dialogue, c'est déjà un défi colossal, les risques de perdre l'attention des petits sont d'autant plus grands s'ils n'ont pas de voix auxquelles se rattacher. Mais, Shaun le mouton et ses camarades arrivent à captiver suffisamment l'enfant (et l'adulte au passage) avec leurs cabrioles et leurs plans foireux pour que l'intérêt pour le film ne s'amenuise jamais au cours de ses 85 minutes (un film très court, il faut le dire).
Le long métrage est truffé de références à la culture populaire (notamment des clin d'oeil parodiques exquis aux films The Great Escape et Silence of the Lambs) que l'enfant ne voit pas, mais qui séduisent irrémédiablement le parent. Shaun the Sheep exploite un humour très britannique, celui du burlesque. Les nombreuses cascades et la manière dont les moutons se mettent les pieds dans les plats découlent d'une comédie de situation qui nous rappelle celle de Charlie Chaplin.
Chacune des conjonctures présentées dans Shaun the Sheep semble avoir été longuement réfléchie. L'une des premières scènes au cours de laquelle on nous présente la routine du fermier et de ses bêtes est astucieuse et compétente, puis quand Shaun paie le canard (en tranches de pain) pour qu'il distraie le chien avec un os au bout d'une corde pendant que les moutons endorment le fermier grâce au classique saute-mouton, on passe à un niveau supérieur. Le film est parsemé de ces éclairs de génie qui font briller la production et font d'elle un divertissement intelligent et efficace.
Comme on ne s'exprime ici que par des sons, des onomatopées et des bruits incongrus, il faut une trame musicale assez efficace pour cadencer l'ensemble. On peut entre autres entendre des pièces des groupes et des chanteurs pop-rock renommés tels que les Foo Fighters, Madness, Tim Wheeler et Eliza Doolittle, des artistes qui proviennent, pour plusieurs, du Royaume-Uni.
Ce type d'animation en stop-motion n'est plus beaucoup utilisé au cinéma. Les grands studios préfèrent maintenant davantage le CGI. Donc, ces productions traditionalistes qui osent utiliser cette forme moins conventionnelle (à noter les excellents Fantastic Mr. Fox et Coraline, qui ont pris l'affiche ces dernières années) sortent du lot et impressionnent par la minutie qu'elles requièrent. Arriver à produire un film aussi impeccable que Shaun the Sheep en stop-motion mérite effectivement qu'on s'y attarde. Mais ce n'est pas que l'esthétique qui épate, la qualité du scénario (qu'on peut presque décrire comme un plan technique) et l'intelligence des références font de Shaun the Sheep un incontournable de ce type de films.
Il faut dire, par contre, que malgré les nombreux référents populaires et la qualité de l'animation, Shaun the Sheep reste un film pour les bambins. Il ne s'agit pas d'un long métrage d'animation « pour adultes » comme on pourrait décrire Inside Out ou Shrek. La tension dramatique est aussi légèrement inégale; il y a des passages très efficaces, tant narrativement qu'esthétiquement, et d'autres qui le sont un peu moins. Ceci étant dit, le burlesque de Shaun fera se tordre de rires bien des petits cinéphiles et décrochera sans doute des sourires sincères à leurs parents et certaines exclamations d'admiration aussi.