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Notre père, pas encore aux cieux.
La première scène donne le la et nous présente en quelques minutes la teneur de tout ce qui va suivre. Un long monologue froid et précipité de Carrie Coon, une des trois sœurs, qui explique comment gérer le départ de leur père qui se meurt d’un cancer dans la chambre voisine face à Natasha Lyonne, la seconde sœur, impassible mais à l’écoute et concernée. Puis, arrive Elizabeth Olsen, troisième de la sororité, au milieu de la séquence pour adoucir le moment. Ce passage dans l’appartement qu’on ne quittera quasiment jamais et sans voir le père contient toute la substance de « Ses trois filles ». Trois sœurs aux caractères totalement différents qui se retrouvent lorsque leur géniteur va passer l’arme à gauche d’un moment à l’autre avec sa présence qui hante tout le film car on ne le verra jamais hormis lors d’une séquence fantasmée, presque onirique. On sent l’incommunicabilité entre ses trois femmes qui ne semblent pas vraiment proches et le poids de la perte d’un père avec lequel elles n’ont pas eu le même rapport. Une scène verbeuse, froide et un peu longue qui synthétise donc tout ce qui va suivre sur le fond comme sur la forme.
Car, en effet, « Ses trois sœurs » n’est pas un film aimable de prime abord et peut-être pas toujours agréable. Il est certain qu’il va en laisser certains sur le bas-côté par son côté peu avenant. Plutôt lent, presque monotone par moments, il est en outre excessivement bavard et se déroule uniquement entre les quatre murs d’un appartement new-yorkais filmé comme ce que le cinéma d’auteur américain fait de plus cliché. Du pur cinoche indépendant de l’Oncle Sam en somme que ce film d’Azazel Jacobs qui nous avait offert une œuvre d’un tout autre genre il y a quatre ans avec « French Exit » où Michelle Pfeiffer tenait le haut de l’affiche. Le fait de ne pas voir le père ici et de se concentrer sur les rapports complexes qui lient ses trois filles est une excellente idée mais qui confirme un peu le côté conceptuel de la chose. On peut donc trouver ce film ennuyant (ce qu’il est parfois) mais aussi très juste et touchant.
Et s’il est aussi réussi sur bien des points c’est notamment grâce à ses trois actrices qui forment un trio aussi dissemblable que pertinent. Les rôles sont clairement trop marqués, presque caricaturaux. On a l’aînée pragmatique, meneuse et aigrie, la seconde taiseuse, bohême et impulsive puis la petite dernière plus sensible, douce et qui fait le tampon entre les deux. Mais les trois actrices impulsent à leurs personnages assez de nuances et de conviction pour que tout cela soit bon. Elles sont impeccables et forment un tout complètement convaincant. Petit à petit, on apprend leurs fêlures, leurs ressentis et certains aspects de leur relation(s) qui nous permettent d’avoir du recul et de mieux appréhender chacune des scènes jusqu’à un final assez touchant tout en étant sobre. Pas forcément facile à appréhender, voire à aimer, « Ses trois filles » n’en demeure pas moins un film d’auteur exigeant et non dénué de qualités mais surtout porté par ses actrices.
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