On exige souvent des critiques de cinéma des « critiques constructives ». Pas certain que ce soit très utile puisque ce qui est fait est fait, mais soit, en voici quand même une.
Le visa d'étudiante de Priscilla est expiré, mais elle ne veut pas rentrer chez elle, au Brésil (pourquoi? Elle a l'air de bien s'entendre avec sa famille et de regretter les plages de sable chaud...). Elle décide donc de demander à un ami, Manu (rien ne lui permettait de soupçonner que c'était un pimp?), de lui trouver un boulot. Il l'emmène devant un bar de danseuses. Elle refuse de « faire ça », mais elle entre quand même « juste pour un verre » (c'est vraiment idiot de sa part). Là, dans un bar où les danseuses « nues » restent habillées, où elles s'assoient dans la salle avec les clients pour se parler entre-elles au lieu de travailler, où la drogue est pratiquement absente et où les gangs rivales cohabitent, elle fait la rencontre de Milagro, une danseuse d'expérience qui va lui montrer les rudiments du métier. Bon, elle la lance sur scène à Toronto sans rien lui dire avant de finalement tenter de lui enseigner quelque chose, mais passons.
D'autres exemples? Milagro habite dans un magnifique condo affichant une richesse suspecte; le patron du bar dit aux filles « de retourner travailler » alors qu'il n'y a pas un seul client dans le bar; Milagro « divertit » un policier en face de ses collègues qui ne se doutent de rien, et lui se laisse faire (quel imbécile); même si elle a l'air d'avoir 18 ans (elle s'exprime comme tel, en tout cas), elle a une fillette de 5 ou 6 ans qui réagit étrangement bien à l'arrivée de la nouvelle amie et amante de sa mère, menée là par un obscur désir lesbien. Il y a trop d'irritants logiques dans le film qui font décrocher de la trame principale autrement bien imaginée, mais mal exécutée, et qui le font dévier de son objectif social, d'autant que la surabondance de thèmes nuit grandement à la cohérence et, par extension, au message.
La jeune comédienne Clara Furey, qui était de CQ2, est danseuse contemporaine, pas actrice. Elle manque cruellement de retenue, exacerbant inutilement des sentiments qui défient souvent toute logique, en plus d'avoir certaines difficultés de langage. Les apparitions forcées d'Anne Dorval (qui rehausse le niveau de jeu) et de Colm Feore (qui fait un peu n'importe quoi dans une ambiance « policière » simpliste) n'arrangent rien, d'autant que le scénario ne justifie pas plusieurs longues scènes d'hiver moroses qui sont là pour l'aspect plastique uniquement.
Le film, qui réclame une véracité que mêmes les documentaires n'atteignent pas, voudrait mettre à jour un problème humain grave et choquant. Bonne initiative. Si le misérabilisme est intelligemment évité, il faut aussi s'assurer que la solution est morale, pas juridique. Dans ce cas-ci, même si les passions de l'ensemble des spectateurs étaient enflammées par cette histoire un peu triste, que voudrait-on qu'on y fasse? Le vrai problème de ces filles, c'est qu'elles ne peuvent pas avoir un emploi « légal ». C'est ça la solution, pas une prise de conscience des propriétaires de bars qui pourraient être effectivement plus « gentils ».
Après la lecture de cette humble critique, on pourra dire que j'ai mal compris. C'est bien possible. Mais, comme un professeur me l'a si brillamment enseigné un jour, il ne faut pas dire : « As-tu compris? », mais « Me suis-je bien faire comprendre? », car c'est souvent à soi qu'incombe la responsabilité d'être clair. Serveuses demandées est l'un de ces films portés par de louables intentions qui sont mal appliquées.
On exige souvent des critiques de cinéma des « critiques constructives ». Pas certain que ce soit très utile puisque ce qui est fait est fait, mais soit, en voici quand même une.
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