Dans Seven Veils, Amanda Seyfried incarne Jeanine, une jeune metteuse en scène chargée de remonter Salomé, l’opéra de Richard Strauss, selon la vision de son mentor récemment décédé. Mais en plongeant dans cette œuvre troublante, où désir et pouvoir s’entrelacent dangereusement, elle se heurte aux ombres de son propre passé. En effet, son mentor avait puisé dans sa relation complexe avec un père incestueux, brouillant les frontières entre création et traumatisme.
Vous trouvez le propos déjà lourd? Vous n’avez pas tort. Le sujet est complexe et, faut-il le spécifier, assez niché.
D’abord, le titre du film fait référence à un récit biblique : la danse des sept voiles, exécutée par Salomé. Elle aurait dansé devant le roi Hérode pour le charmer, enlevant lentement sept voiles, un par un. En échange, elle voulait obtenir la tête de Jean-Baptiste, un prophète qui dérangeait sa famille. Envoûté par sa danse, Hérode a fini par accepter… et Jean-Baptiste a été exécuté. Cette scène très intense – sommet d’érotisme et de tension dramatique – a inspiré de nombreuses œuvres d’art, des films (dont Salomé, interprétée en 1953 par Rita Hayworth) et le célèbre opéra de Strauss.
Est-ce que je vous ai perdu? Attendez, ça ne s’arrête pas là.
L’opéra en un acte, lui-même inspiré de la pièce éponyme d’Oscar Wilde, a maintes fois été mise en scène par nul autre que… Atom Egoyan. Le cinéaste a en effet monté cette production à sept reprises, dont la toute première en 1996. C’est lors de la représentation de 2022, à la Canadian Opera Company de Toronto, qu’il a eu l’idée du scénario.
Le film met d'ailleurs en vedette des chanteurs et chanteuses de cette plus récente production, qui reprennent ainsi leur rôle de Salomé et de Jean-Baptiste – cette fois sous la direction du personnage d’Amanda Seyfried, elle-même mise en scène par Egoyan… Vous comprendrez que les liens incestueux sont nombreux, dans le fond comme dans la forme.
Si j’ai pris le temps de bien camper les références littéraires et bibliques, c’est qu’elles sont partout dans le récit, autant dans la trame principale que les histoires secondaires, dont celle de l’artiste en effets prosthétiques qui documente son travail avec le latex, le silicone et autres matériaux pour fabriquer la tête décapitée de Jochanaan (Jean-Baptiste). On peut donc (assez facilement) perdre le fil dans ce dédale conceptuel, plutôt froid et cérébral.
Le personnage interprété par Amanda Seyfried ne semble pas particulièrement traumatisé par son passé trouble, mais dégage un érotisme foudroyant, tout comme dans Chloe (2009). Est-ce la raison pour laquelle le réalisateur torontois avait envie de la retrouver? Peut-être. Pourtant, Jeanine ne devrait pas incarner cette énergie. À moins que la metteuse en scène veuille devenir aussi sensuelle que Salomé? Tant qu’à multiplier les niveaux de lecture…
Si Salomé est une œuvre intense, marquée par une orchestration flamboyante et une tension dramatique saisissante, ce n’est malheureusement pas le cas de Seven Veils. On sent bien que le réalisateur a voulu symboliser (assurément trop!) à la fois le pouvoir de Salomé et la descente aux enfers de Jeanine. Mais on s’ennuie plus qu’on ne crie au génie. On reconnaît le style d’Egoyan, mais on est (très) loin de The Captive (2014) ou encore de The Sweet Hereafter (1997).
Avec Seven Veils, Atom Egoyan plonge dans un labyrinthe conceptuel où s’entrelacent opéra, trauma et désir. Mais cette mise en abyme, aussi audacieuse et vertigineuse soit-elle, peine à captiver. Au moins, dites-vous que vous serez préparés!