Il faut s'y attendre. Dans les prochaines années, on risque de voir plusieurs films inspirés du phénomène #metoo. Weinstein aura certainement droit à son long métrage lui aussi. Et, bien qu'on avait entendu parler de ces histoires révoltantes dans les journaux, ces reconstitutions, mettant en scène de brillantes actrices dans les rôles des victimes, nous donnent froid dans le dos. Comment a-t-on pu laisser si longtemps les hommes traiter les femmes avec si peu de respect? Malgré ses quelques défauts, Bombshell laissera aux cinéphiles une cicatrice indélébile, celle infligée par le men's club qui a contrôlé le monde bien trop longtemps.
Margot Robbie, Charlize Theron et Nicole Kidman interprètent les trois femmes fortes qui se retrouvent coincées dans le piège de Roger Ailes, pervers et président fondateur de Fox News. Les trois actrices sont spectaculaires, mais on doit admettre que Charlize Theron crève littéralement l'écran dans le rôle de Megyn Kelly, une populaire commentatrice politique qui a dû piler sur son orgueil pour avouer les actes inadmissibles de son supérieur. Robbie nous offre, quant à elle, les scènes les plus puissantes et choquantes du film, à commencer par celle où Roger Ailes lui demande de lever sa robe jusqu'à ce qu'il puisse voir ses sous-vêtements. Il faut dire que John Lithgow est aussi incroyable dans la peau de l'agresseur. Il nous répugne jusqu'aux tréfonds de notre âme féministe : ce qui est une très bonne nouvelle dans le contexte. Il faut aussi absolument mentionner le talent des maquilleurs et des prothésistes, qui ont transformé de façon assez incroyable les comédiens et comédiennes afin qu'ils disparaissent derrière leurs personnages.
Les questions complexes de l'abus de pouvoir et du harcèlement auraient pu certes être abordées avec plus de profondeur, mais Bombshell expose tout de même adéquatement une histoire aux nombreuses ramifications. Le film livre un portrait réaliste de la situation des femmes dans les médias et démontre avec véhémence pourquoi les choses devaient changer. Le réalisateur Jay Roach a choisi de briser le quatrième mur à plusieurs reprises en imposant à ses acteurs un regard dramatique vers la caméra. Impossible de ne pas se sentir concerné dans le problème lorsque le personnage lui-même vous interpelle avec intensité. Un procédé efficace qui appelle à la solidarité. Roach a aussi utilisé d'autres techniques, comme la narration, qui teinte son film de différentes nuances et lui apporte une personnalité plus belliqueuse, qu'on apprécie.
Il y en aura d'autres des films comme Bombshell qui nous feront frissonner de dégoût et nous rappelleront ce monde pervers dans lequel nous avons refusé de vivre désormais. Peut-être que ces nouvelles productions ne souffleront pas des longueurs gênantes de Bombshell et maîtriseront le sujet avec encore plus de fougue et de rigueur, mais ce film de Jay Roach est un pas dans la bonne direction, pas de doute.