Les productions sur les pompiers sont nombreuses, autant au cinéma qu'à la télévision. La plupart montrent ces figures comme des héros indestructibles qui ne font qu'une bouchée des flammes. Des clichés intensifiés à des fins spectaculaires.
Le trait est heureusement un peu plus affûté dans Sauver ou périr qui tente de révéler l'être humain derrière le masque et la fonction. Franck (Pierre Niney) a tout pour être heureux : une épouse (Anaïs Demoustier) qui attend des jumelles et un métier de sapeur-pompier qu'il adore. Jusqu'au jour où un incendie tourne mal, le laissant défiguré...
Comme dans le Livre de Job, notre homme sacrifié finit par perdre tout ce qui lui tient à coeur. Il ne se métamorphosera pas en superhéros en se vengeant comme dans Darkman, mais en se reconstruisant à même son énergie vitale. Une tâche longue et ardue ponctuée de rechutes, rappelant malgré tout l'espérance des beaux lendemains, cette lumière qui finit toujours par triompher des ténèbres.
Les intentions sont bonnes et louables, sauf que le film prêche par excès. D'abord de discours pompeux et moralisateurs, surtout dans la seconde partie qui ouvre les vannes de l'émotion manipulatrice et de la musique collante. Les dialogues sont si évocateurs, si écrits qu'ils finissent par manquer de naturel. Sur papier, les phrases « La vie m'a oublié là », « Personne n'est invincible » et « Le métier nous pousse vers la vie » sont jolies. Dommage que leur rendu à l'écran le soit moins. Le point culminant du récit est la finale, lumineuse et inspirante, qui est cependant gâchée par un ton trop facile et des échanges qui laissent à désirer.
Le talentueux cinéaste Frédéric Tellier avait eu la main plus heureuse sur son précédent L'affaire SK1, qui se déroulait dans un univers policier. On note à nouveau cette quête de réalisme et d'intimisme, en privilégiant l'apport psychologique de ses sujets. Ici aussi, une renaissance est possible devant la tragédie qui malmène la sphère publique et privée. Ce combat intérieur s'exprime d'ailleurs au sein même de sa réalisation, classique et inspirée, qui débute dans l'insouciance du bonheur (avec de longs travellings), devient ensuite plus statique comme son protagoniste, avant d'être en mouvement et de renouer avec la vie. La caméra et la mise en scène s'avèrent ainsi outils de réflexion, de transformation.
La principale raison de porter son attention à cette création est toutefois l'apport de ses immenses acteurs. C'est toujours payant d'interpréter quelqu'un de défiguré et Pierre Niney offre une prestation vibrante et émouvante. Son odyssée de l'Enfer vers le monde des vivants marque les esprits. Un chemin initiatique lui permettant de trouver une nouvelle identité, d'arborer un autre visage. Il n'est pas seul à souffrir et le scénario laisse beaucoup de place à son épouse éplorée, campée par l'incandescente Anaïs Demoustier. Voilà un duo de feu qui est parfaitement alimenté par les toujours brûlants Vincent Rottiers et Sami Bouajila.
Ce sont eux qui empêchent le long métrage de se noyer dans l'anonymat, qui insufflent un peu de leur âme à des personnages nobles, coincés dans des situations pas toujours convaincantes et satisfaisantes. Sauver ou périr peine à s'élever au-dessus de la moyenne des histoires vraies de nature thérapeutique et c'est bien dommage.