La Prohibition aux États-Unis est une période idéale pour devenir l'assise à bien des films de gangsters américains. Elle l'a été et l'est encore. Lawless, le plus récent long métrage sur le sujet, avait de louables intentions et suffisamment de brillants acteurs à son bord pour en faire une reconstitution crédible et captivante. Cependant, le film, inspiré d'un roman, qui lui est tiré d'une histoire vraie, ne parvient jamais à atteindre convenablement sa cible. L'oeuvre, qui était en compétition officielle au plus récent Festival de Cannes, n'en est pas une de répertoire et ne s'adresse pas non plus à un public de blockbusters. Elle est particulièrement difficile à catégoriser au sein d'une cinématographie américaine généralement bien circonscrite.
On a choisi un rythme traînant, mollasse, où les acteurs prennent le soin de placer leur personnage au sein de l'histoire et de s'y installer lentement. Pour un drame ou une étude de moeurs, c'est un choix censé, mais pour un film de gangsters à une époque bouillante comme la prohibition c'était plutôt incongru. Et, comme on s'y attendait, le long métrage s'étire souvent inutilement et le public se vautre rapidement dans les fioritures de l'histoire pour finalement y perdre de l'intérêt.
Ce n'est pas, par contre, par le manque de coups de fusil et de gorges tranchées qui causent cette langueur au sein du récit. La violence est présente de manière affirmée dès les premières images qui présentent trois petits garçons sur le point de tuer un cochon affolé grâce à une balle dans la tête. Les coeurs sensibles seront probablement dérangés par l'importance que prend la brutalité et même la bestialité dans le film, mais elles étaient toutes deux nécessaires pour brosser un portrait honnête de cette époque charnière du 20e siècle.
La plus grande qualité de l'oeuvre est, sans aucun doute, le talent complémentaire de ses acteurs. Tom Hardy s'avère, comme toujours, d'une sensibilité et d'une honnêteté transcendantes. Il a affublé à son personnage des manies et un rictus particulier nous faisant croire d'emblée à la vraisemblance de son alter ego. Hardy, qui interprète le chef de cette famille de trois frères que les gens du village décrit comme invincibles, donne si bien le ton à ses acolytes (Shia LaBeouf, Jason Clarke, Jessica Chastain) avec son regard froid et fier et ses mots pesés qu'ils n'ont qu'à entrer dans son sillage pour trouver le rythme adéquat.
La trame sonore - imprégnante, envoûtante - est également l'un des points forts de l'oeuvre. La réalisation, quant à elle, s'intègre bien avec la langueur du récit, mais ne brille pas de manière particulière comme la musique ou les performances des acteurs par exemple. Même si Lawless n'entre pas aisément dans un carcan bien défini comme bien d'autres avant lui, il étonne suffisamment et portraitise habilement l'époque de la prohibition pour garder ses lettres de noblesse qu'on lui a accordées en le sélectionnant à Cannes au printemps dernier.