Pour qu'un film soit efficace artistiquement et « récréativement » parlant, il se doit d'utiliser le médium de manière à justifier son intérêt cinématographique. L'exemple qui me vient machinalement à l'esprit est l'ensemble de l'oeuvre de Christopher Nolan, qui parvient de film en film à briser les enceintes pré-établies pour réinventer - à sa manière - le septième art. Mais il ne faut pas nécessairement être une sommité comme le réalisateur de Memento pour savoir manier et maîtriser l'instrument filmique; Neil Burger le fait d'ailleurs, dans son plus récent long métrage Limitless, avec intelligence et diplomatie. L'utilisation méthodique du grand angle, la manipulation esthétique de la lumière et la juste application des nombreux effets visuels amènent l'oeuvre à se démarquer des autres productions et à nous faire oublier partiellement les valeurs constestables qu'il véhicule.
Eddie Morra est un raté; sa petite amie vient de le laisser, il n'a pas encore rédigé une seule page de son roman alors qu'il se considère auteur et il habite dans un appartement crasseux qu'il n'a pas les moyens de se payer. Lorsque son ancien beau-frère lui propose une pilule miracle censée le rendre plus intelligent et plus productif, il ingère la drogue, considérant qu'il n'a rien à perdre. Le résultat est stupéfiant et instantané. Eddie a maintenant accès à d'innombrables informations, tout ce qu'il a un jour vu ou entendu est maintenant disponible et peut être appliqué à son quotidien. Mais un être à l'intelligence aussi aiguë qui surgit de nulle part soulève invariablement des questions.
La trame narrative n'est pas d'une incroyable originalité – la théorie qui suggère que l'homme n'utilise que 20% de son cerveau a été suffisamment développée au cinéma pour parler de cliché - mais la manière dont on en dispose est quant à elle franchement compétente. Le contenant est ici beaucoup plus valable que le contenu. Lorsque le personnage principal est sous l'influence de ladite drogue, l'image est brillante, franche et large (le grand angle est justement employé) alors qu'elle est plutôt assombrie, flétrie et limitée quand le protagoniste est sobre. Plusieurs éléments visuels ont également été ajoutés à certaines scènes pour accentuer l'enivrement psychique d'Eddie (mouvement des lattes du plafond, des accélérés, des effets psychédéliques, l'accentuation de certaines ambiances sonores, la narration, etc.).
Les idées présentées dans le film encouragent étrangement la lâcheté et l'attente passive du miracle qui sortira le flemmard de la misère. Derrière l'homme d'affaires brillant et puissant se cache une dépendance malsaine à une drogue qui l'est tout autant. Par ailleurs, il est satisfaisant de voir un film américain qui ne se termine pas dans l'absolution du héros et le pardon injustifié de ses erreurs. Il arrive parfois qu'il faille faire de bien terribles sacrifices pour triompher du rêve américain, et puisque l'oeuvre propose que certains dirigeants, illustres et influents, aient eu recours à un médicament pour dominer - le peuple et leur esprit -, on se sent un soupçon moins stupide.
Limitless est une oeuvre qui remplit sans aucun doute sa mission récréative. Peut-être manque-t-elle de constance et de cohérence pour satisfaire des visées plus intellectuelles et spirituelles mais, puisqu'il n'était certes pas dans l'intention du film de bouleverser le monde de l'intellect ou même de provoquer une quelconque réflexion substantielle, on peut parler d'une performance compétente, même réussie.
L'utilisation méthodique du grand angle, la manipulation esthétique de la lumière et la juste application des nombreux effets visuels amènent l'oeuvre à se démarquer des autres productions et à nous faire oublier partiellement les valeurs constestables qu'il véhicule.
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