Entre la réalité et la fiction, il y a maintenant Sans elle, un film de fiction qui n'est réellement pas au point, qui ne sait pas de quel côté son coeur balance, parce qu'il place tout son lyrisme dans un univers plus réaliste que la vraie vie.
Jean Beaudin, après l'accueil difficile qu'on a réservé à Nouvelle-France, s'attaque à un projet qui balance, avec plus ou moins d'efficacité, entre la réalité et l'imaginaire. Sorte d'examen psychologique, le film tombe vite dans un lyrisme qui ne trouve pas écho dans les préoccupations réalistes des personnages.
Camille, jeune violoniste en visite à Florence, est victime d'un mystérieux malaise alors qu'elle se trouve dans un musée. Elle est rapidement rapatriée au Québec, auprès de sa famille, où elle devra faire face à ce qu'elle cherchait à fuir : la disparition mystérieuse de sa mère, plusieurs années auparavant. Pour faire son deuil, Camille se rend à Matane, le dernier endroit où on a vu sa mère, où elle découvrira des indices qui vont la lancer à sa recherche chez une famille madelinienne qui fait dans la location de roulottes.
Le mystère plane longtemps sur cette histoire complexe, bien malin qui saura départager le vrai du faux. On pourra cependant déclarer sans hésiter que les dialogues sonnent tout faux, même s'ils sont rendus par des interprètes de talent, parce qu'ils semblent sortir tout droit d'un livre.
Voilà ce qui cloche en fait. Sans elle serait probablement un bon film s'il n'était pas affaibli, voire alourdi - comme s'il en avait besoin! - par ses dialogues trop romanesques et exaltés, et serait probablement aussi un bon livre, s'il était écrit sur du papier plutôt que sur une pellicule. Parce que Beaudin fait un travail poétique intéressant, ose quelques expériences de montage et filme plusieurs belles images des Îles-de-la-Madeleine, où il retourne vingt ans après Mario. La direction-photo de Pierre Mignot est d'ailleurs exceptionnelle.
Le film a beaucoup d'un fantasme d'auteur, avec des phrases très inspirées et un scénario trop volubile. Il y a des choses qui ne se disent pas au cinéma, pas parce qu'elles sont choquantes, mais parce qu'on n'a pas besoin de les dire. Il aurait fallu faire confiance aux actrices pour ça, elles avaient le talent et l'expérience pour rendre justement quelque chose de senti. Là, elles ne vivent rien, elles récitent plutôt.
Karine Vanasse porte pourtant le film sur ses épaules dans une performance assez moyenne, souvent mélodramatique et mélancolique. Avec le thème récurrent de l'eau, il y a assez de larmes et de plaintes dans le film pour inonder toute la côte-est. Emmanuel Schwartz a sans doute trouvé le meilleur ton pour donner du corps à son personnage, les autres sont secondaires et servent de faire-valoir ou de balise dans l'océan où Camille et le public sont littéralement perdus.
Sans elle n'est pas d'un film tangible, bien sûr, mais ce n'est pas une excuse pour être plus irréel qu'une chimère, dont il aurait de toute façon fallu se débarrasser : celle de la réalité. On n'en a pas besoin. D'autant qu'à film intangible, public intangible.
Entre la réalité et la fiction, il y a maintenant Sans elle, un film de fiction qui n'est réellement pas au point, qui ne sait pas de quel côté son cœur balance, parce qu'il place tout son lyrisme dans un univers plus réaliste que la vraie vie.
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