Catherine Deneuve et Catherine Frot sont deux des plus grandes comédiennes du cinéma français. Elles ne s'étaient jamais donné la réplique auparavant. Il a fallu attendre jusqu'au très beau Sage femme pour les voir rayonner ensemble à l'écran.
Leur rencontre illumine cette oeuvre féconde. La première incarne une femme malade qui revient dans l'existence de la seconde : son ancienne belle-fille qui est également sage-femme. Sous des airs de confrontations, elles vont apprendre à se connaître et à s'accepter. Le duo en place, tout simplement merveilleux, bénéficie de l'impeccable direction d'acteurs de Martin Provost. Ce spécialiste des récits féminins puise dans l'aura de ses interprètes pour pondre des rôles riches et authentiques. Catherine Deneuve renoue avec un personnage libre comme ceux qui ont marqué sa filmographie, alors que Catherine Frot offre là une de ses plus belles performances en carrière. Elles sont secondées par un Olivier Gourmet plus affable que jamais.
Ce joli long métrage épouse les rouages de la fable. C'est La cigale et la fourmi revisitée avec ces deux héroïnes qui apprendront à la fois à être responsables et à profiter du temps qui passe. Elles vont constamment se relancer, s'alimenter, alors qu'une donnera le goût de vivre à l'autre. Une transmission essentielle - autant personnelle qu'au niveau de la société - qui touchera trois générations de personnes et qui en fait un frère spirituel du délicat Médecin de campagne de Thomas Lilti.
Créateur des excellents Violette, Où va la nuit et surtout Séraphine (un des meilleurs films français de la dernière décennie), Martin Provost continue son bonhomme de chemin avec autant de finesse et de sagesse. On sent toutefois son cinéma s'ouvrir et devenir plus accessible, se rapprochant notamment de celui de Claude Sautet. Sa poésie et ses moments de contemplation cèdent peu à peu le pas à une affirmation du dialogue, qui touche la grâce en quelques occasions. Sa réalisation habile et précise ponctuée de musique est donc centrée autour des échanges, clairvoyants et humanistes.
Il s'agit de son premier scénario écrit en solo et si l'on reconnaît son goût pour la nature, quelques maladresses ponctuent le récit. L'humour salvateur permet au drame de respirer (il est néanmoins très fort par endroits), ce qui n'empêche pas le mélo de faire sentir sa présence lors d'une finale qui est à peine plus satisfaisante que celle de C'est le coeur qui meurt en dernier d'Alexis Durand-Brault. Ce rappel continuel de l'importance de cultiver son jardin (dans tous les sens du terme) peut également être pesant, alors qu'un certain manichéisme n'est jamais bien loin.
Fable sincère qui arrive à être grave et tendre tout à la fois, Sage femme traite de sujets essentiels en pouvant compter sur la présence de deux immenses actrices. Catherine Frot et Catherine Deneuve font toute la différence, offrant du coup au septième art francophone classique une renaissance qui lui va comme un gant.