Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Canadiens Guy Maddin et ses acolytes Evan et Galen Johnson ont gagné le gros lot avec la distribution qu'ils ont été en mesure de réunir pour Rumeurs. De Cate Blanchett à Charles Dance, en passant par Roy Dupuis, Alicia Vikander et Denis Ménochet, ce casting international de haut calibre avait déjà de quoi retenir l'attention.
Paradoxalement, ce qui marque encore plus, c'est que tout ce beau monde ait accepté de plonger tête première dans une production baignant continuellement dans l'absurdité politique, les sentiments à fleur de peau, les phénomènes étranges et l'humour décalé, voire même grivois. Le tout avec tout l'enthousiasme nécessaire au succès d'une telle entreprise.
Rumeurs nous propose d'accompagner les chefs d'État du G7 lors de leur sommet annuel, qui a lieu cette fois-ci dans un gazebo fraîchement construit au coeur de la campagne allemande.
Alors que le groupe tente de se mettre d'accord sur les phrases creuses - mais non moins rassurantes et rassembleuses - devant former le communiqué officiel qui sera présenté à la suite de ces quelques jours de « dur » labeur, les présidents et autres premiers ministres se retrouvent subitement laissés à eux-mêmes en pleine nature, sans qu'il n'y ait aucune trace d'une âme qui vive à des kilomètres à la ronde.
Puis, les jambes du président français semblent ramollir, tandis que son homologue américain entrevoit de se reposer une dernière fois au milieu des bois plutôt que de sauver sa peau. Il revient alors à l'intrépide premier ministre du Canada Maxime Laplace (Roy Dupuis) et à la chancelière allemande Hilda Orlmann (Cate Blanchett) de prendre les choses en main.
Leur escapade mènera notamment à la découverte d'un immense cerveau aux pensées révolutionnaires, d'un rituel ancestral laissant peu de place à l'imagination, et une traversée héroïque d'une dizaine de mètres sur un radeau au coeur de la pénombre, morceau de musique celte épique à l'appui.
Malgré ses idées disparates, ses fréquentes ruptures de ton et ses élans dramatiques pour le moins impulsifs, le présent long métrage est néanmoins exécuté à partir d'une ligne directrice suffisamment homogène, autour de laquelle tous les éléments finissent par trouver une manière insolite de se complémenter tout en semant toujours un peu plus de confusion.
Loin de l'approche plus expérimentale des précédentes créations de Guy Maddin, l'essence de Rumeurs n'est étonnamment pas tant une affaire de forme. Le film possède plutôt un côté amateur assumé, laissant croire que le trio aux commandes avait une confiance totale en les moyens de leurs interprètes, tout comme ceux-ci ont su rendre la pareille à ce qui avait été mis sur papier préalablement.
Ce long égarement au milieu d'une quête de sens ne pouvait mener ultimement qu'à une vibrante déclaration voulant tout et rien dire, livrée de façon héroïque par tous les partis concernés face à un panorama aussi indécent qu'apocalyptique.
Certes, Rumeurs est le genre de proposition dont le caractère pouvant paraître un tantinet trop abstrait et insaisissable ne sera pas la tasse de thé de certains spectateurs. En revanche, les amateurs du cinéma de créateurs friands d'humour absurde comme Quentin Dupieux y trouveront assurément leur compte.
Et même si tout ce beau monde ne peut qu'en venir à se demander, à un moment ou un autre, qu'est-ce qu'ils sont en train de regarder exactement, Maddin, Johnson et Johnson rythment parfaitement leur satire politique par l'entremise d'une avalanche de perles de dialogues, rendues avec toute la conviction voulue par des hommes et des femmes d'État convaincus de ne pouvoir régler ou faire avancer le moindre dossier comme aucun politicien avant eux.