Après le faux-pas qu'a été The Timekeeper, Louis Bélanger retrouve le ton et le style qui en ont un fait réalisateur respecté et apprécié du paysage québécois depuis plus d'une décennie. Avec Route 132, la famille est à nouveau au centre de ses préoccupations, tout comme de poser un regard masculin sur ses thèmes, ici le deuil. Souffrant de quelques longueurs mais bénéficiant de la performance inspirée de ses comédiens, Route 132 est un retour enthousiasmant à la simplicité des moyens, au profit de la complexité des émotions.
À la mort de son fils, Gilles décide de quitter Montréal avec un vieil ami, Bob, un petit criminel sans ambition. Ils s'enfuient vers l'Est, sans argent, sans but, sur la route 132. Sur leur chemin, les deux hommes essaient de dévaliser un guichet automatique, mais sont volés à leur tour. Ils s'arrêtent chez un cousin qui tient un motel et chez une vieille tante où Gilles a passé une grande partie de son enfance. Tandis que Gilles doit faire face à son deuil, Bob fait bientôt la rencontre d'une femme et de sa fille de qui il tombe immédiatement amoureux.
Au centre du succès du film : la performance de François Papineau, un acteur encore sous-estimé pourtant doté d'une capacité d'adaptation éblouissante, à qui Alexis Martin donne un contrepoint idéal. Leur complicité maintient le film au-dessus de la simplicité émotive; l'un est affligé par la mort de son fils, l'autre doit continuer à vivre. C'est là que se trouve la principale richesse du film, alors que les métaphores visuelles et ellipses appuient le travail subtil de l'acteur. Cela ne suffirait pas que Route 132 soit une suite de beaux paysages du Bas-Saint-Laurent.
Parce que l'important, ce n'est pas que les images soient belles - même si elles le sont (cela ne vaut rien) - c'est qu'elles soient chargées d'émotion. Que le montage, que le temps qui passe leur infuse avec humilité un drame qu'on propose au spectateur, et que ce dernier est en mesure de saisir parce que le naturel des acteurs et des dialogues le lui permettent. C'est aussi parce que les nombreuses ruptures de ton permettent au film d'éviter le misérabilisme, l'empathie démesurée; voilà peut-être où se trouve véritablement la vision masculine de la chose. Il ne s'agit pas de pleurer pour pleurer, mais de constater la peine plutôt que de la partager de manière factice.
Car contrairement à ce qui est généralement admis, le deuil, c'est personnel. On ne peut partager la douleur de la mort, pas plus qu'on ne peut précipiter le processus de son acceptation. On est un peu hypocrite de prétendre « comprendre » et « partager » la douleur des autres, et le rapport de Route 132 aux souvenirs familiaux appelle au respect cette douleur, au respect du temps qu'il faut pour bien faire les choses. Un travail qui permet au film d'être émouvant même si on n'a pas vécu la situation proposée (contrairement à La dernière fugue, par exemple). Quelques longueurs et répétitions viennent cependant en diluer l'efficacité.