Des soldats anglais grivois, un huit clos historique, une mère paranoïaque, un enfant pris en chasse par des loups, des appareils de torture et armes séculaires, un poison mortel « caché » dans un contenant ressemblant à une salière... Rouge sang contient énormément d'éléments hétéroclites qui, au fil de la narration, ne finissent jamais par trouver une résonnance commune au sein du récit. Pire encore, plus l'histoire se développe, plus elle devient grotesque et improbable. Ce qui s'installe d'abord pour être un drame d'époque esthétiquement enviable mute rapidement vers un suspense risible d'une violence insoupçonnée et injustifiée. Une sauvagerie qui se déploie dans les vingt dernières minutes du récit pour s'achever dans un bain de sang embarrassant.
Heureusement, Rouge sang possède une compétence visuelle remarquable et dévoile quelques sublimes performances d'acteurs qui nous font partiellement oublier l'inconséquence de son scénario. Isabelle Guérard, magnifique dans ses atours d'époque, jongle assez bien avec la démence qui s'empare de son personnage... même si cette même folie finit par devenir illégitime. Lothaire Bluteau, qui incarne le capitaine des « habits rouges », reste fier et droit jusqu'à la fin. Anthony Lemke, qui interprète quant à lui le soldat vulgaire et inapproprié, joue aussi bien son rôle du méchant au point d'amener le public à l'haïr.
L'idée de faire un suspense d'épouvante en huit clos avec comme trame de fond le Québec en 1799, soit quarante ans après que la victoire des Anglais sur les plaines d'Abraham, en était une intéressante et - personne ne peut le nier - franchement originale. Mais les nombreuses lacunes du scénario - trop longue introduction, dialogues futiles, silences lourds, violence inopinée et vaine -, empêche la bonne idée initiale d'en rester une. Le film assume aussi que le spectateur connaît le contexte historique dans lequel se déroule le récit. Quelques informations supplémentaires - comme le rôle de ces militaires en terre québécoise - auraient probablement permis une meilleure intelligibilité globale et peut-être mieux expliqué la hargne de la femme pour les « habits rouges ».
La conclusion en deux temps ne laisse pas non plus une bonne dernière impression. La « surprise » est prévisible et laisse un amer goût de déjà vu, de cliché utilisé et surutilisé jusqu'à ce qu'on en oublie ses origines et l'effet qu'il devrait engendrer. Rouge sang est sauvé par son esthétique habile et sa direction artistique réfléchie. Mais, malheureusement, constater la qualité des costumes et celle de l'image ne nécessite pas 90 minutes... et ne les justifie pas non plus. L'effort y était, l'idée n'était pas mauvaise, mais le résultat est décevant.