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Noir c'est noir!
Arnaud Desplechin nous revient, une fois n’est pas coutume, avec un film de genre, en l’occurrence le film policier. Un genre qu’il adapte à sa sauce, certes, mais qui le fait sortir de sa zone de confort, ce qui est tout à fait louable. Lui qui nous avait habitué à du pur cinéma d’auteur, peu facile d’accès et à caractère hautement introspectif et réflexif (voire autiste diront certains), il signe peut-être ici son film le plus facile d’accès. On est loin de son précédent opus, l’insupportable et prétentieux « Les fantômes d’Ismaël ». Mais attention, « Roubaix, une lumière » reste âpre et ne sera pas du goût de tout le monde pour maintes raisons. Et on est partagé entre qualités indéniables, excellence et défauts majeurs qui rendent le film aussi bon qu’il peut être déplaisant. Il y filme Roubaix de manière certes crédible (il en vient, rappelons-le) mais vraiment sous son jour le plus laid. « Un conte de Noël » en montrait une autre facette et reste encore son meilleur film à ce jour et celui-ci, qui se déroule à la même période, est clairement un cran en dessous. Du côté des réussites, on ne pourra pas passer à côté d’une interprétation grandiose dominée par un Roschdy encore une fois magistral. Il trouve certainement là l’un de ses plus beaux rôles et il serait injuste de ne pas le voir concourir aux prochains Césars, couronné même. L’acteur est impérial en flic taiseux et taciturne mais profondément altruiste, juste et sensible. Une composition bluffante accompagnée de celles, toutes aussi impressionnantes, de Sara Forestier et Léa Seydoux dans un duo de jeunes filles paumées et coulées dans un déterminisme social extrême qui fait pitié. Elles sont en osmose et pourraient aussi faire partie des nominations aux prochaines récompenses du cinéma français. Antoine Reinartz semble en revanche un choix de casting moins judicieux et peu à l’aise avec le rôle. Un rôle qui d’ailleurs part en digressions à base de voix off sentencieuse très peu en adéquation avec le propos. On aime que Desplechin filme ses personnages sans jamais les juger ni les condamner, préférant même les excuser par le biais du contexte dans lequel ils évoluent. « Roubaix, une lumière » se pose dès lors comme une œuvre profondément humaniste qui plonge dans les abîmes de la misère humaine et sociale et en fait une véritable autopsie. Il y a du Ken Loach ou du Mike Leigh dans ce film de genre, c’est évident. On aime un peu moins un certain penchant pour le misérabilisme social et le fait que le long-métrage annihile toute velléité de suspense pour préférer l’analyse et un certain côté documentaire. On n’est parfois pas loin d’un certain voyeurisme proche de l’émission « Strip-tease » qui confère un côté ultra réaliste et du coup anti-spectaculaire à ce film policier. Également, la première partie se pare d’histoires annexes plutôt intéressantes qui couvrent tout un pan du boulot de policier pour les abandonner dans la seconde partie et revenir maladroitement les clore en toute fin, ce qui donne au scénario un côté parfois mal imbriqué. La seconde partie est d’ailleurs trop longue et bavarde en dépit de ses prestations de comédiens époustouflantes. En effet, on se lasse de ces longues scènes d’interrogatoire même si on se doute que c’est pour nous faire ressentir comment elles se déroulent véritablement avec leur côté éprouvant. « Roubaix, une lumière » est donc efficace et non dénué de qualités malgré la sinistrose ambiante mais il ne satisfait pas à tous niveaux.
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