Le cliché des grands froids québécois, de la neige abondante et du peuple campagnard, on peut dire avec aisance - et une certaine exaspération - qu'on a considérablement fait le tour du sujet. Le bonheur de Pierre (paru l'an dernier à la même période), qui était - ne pesons pas nos mots - une aberration, tentait de raconter la rigueur de notre climat et les discordances entre les cultures québécoises et françaises. Même si Romaine par moins 30 le fait mieux - avec plus de discernement et de frivolité -, il n'en reste pas moins que les stéréotypes abondent et que la narration - décousue et souvent absurde - s'enfonce aisément dans la trivialité.
Justin, l'amoureux de Romaine, lui offre pour Noël un billet d'avion pour Montréal. Bien que Romaine n'aime pas le froid, ni d'ailleurs les nombreuses surprises que lui offre continuellement son conjoint, elle entre dans l'appareil avec amertume et hargne. Lorsqu'elle entend une hôtesse de l'air s'alarmer sur le possible écrasement de l'avion, Romaine décide de dire ces quatre vérités à son fiancé. Déçu et humilié, Justin quitte Romaine à l'aéroport lui laissant quelques vêtements dépareillés. Une hôtesse de l'air souffrant de troubles obsessifs compulsifs décide de l'héberger chez elle le temps qu'elle reprenne contact avec son ancien petit ami.
Établissons une chose au départ : ce froid violent que les Français craignent tant n'est qu'une imposture de Dame Nature. Et les centimètres de neige qui couvrent notre contrée nordique ne sont qu'un moindre mal face à la grisaille chronique de leur pays. Elle est révolue cette époque où les Français débarquaient chez nous en croyant côtoyer des Amérindiens, des motoneiges et des traîneaux à chiens à la sortie de l'aéroport - certains patriarches dépassés par la technologie et le modernisme font peut-être exception - il serait donc temps d'actualiser notre propos. Des parallèles entre nos systèmes politiques, économiques ou nos manières singulières de gérer certaines crises substantielles (logement, pandémie) seraient d'autant plus intéressantes et enrichissantes que de vagues observations sur la rudesse de notre climat.
On mélange des thèmes plutôt sérieux, comme l'instabilité de la passion, la précarité du sentiment amoureux, à des situations grotesques telles que les hémorroïdes de Maxim Roy et les pulsions sexuelles de Louis Morissette. Les Québécois sont décrits, pour la plupart, comme de « gros colons » qui savent faire la fête mais qui pourtant éprouvent de nombreux problèmes sociaux. Les Français subissent un sort analogue donc nul besoin de s'offenser des propos d'Agnès Obadia.
La finale, l'une des plus mauvaises qu'il m'ait été donné de voir depuis longtemps, est malheureusement à l'image de l'écriture mollasse qui sous-tend le film. La démarche actancielle, qui vise à méditer sur la découverte de soi par le nomadisme, n'est qu'entamé par l'héroïne et s'enfonce rapidement dans des absurdités situationnelles, comme de remédier à ses problèmes d'orgasme par l'acuponcture ou de fuir son faux mari/chauffeur de taxi à travers champs en robe de mariée.
Le long métrage dans son entier nous laisse un amer goût de déjà-vu. Ses interminables scènes de paysages hivernaux, qui nous apparaissent, même à nous, surfaites, et ses personnages incongrus à qui on ne daignerait s'identifier, ne sont que pâles échos de cet échec cinématographique. Semblerait-il que l'inventivité française a la défectuosité de geler au contact du froid québécois.
Elle est révolue cette époque où les Français débarquaient chez nous en croyant côtoyer des Amérindiens, des motoneiges et des traîneaux à chiens à la sortie de l'aéroport, il serait donc temps d'actualiser notre propos.
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