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Le Peur de l'autre.
Le dernier film du réalisateur roumain palmé Cristian Mungiu a fait forte impression au dernier Festival de Cannes où il était présenté en compétition. Pourtant, « R.M.N. » (qui est l’acronyme d’IRM en roumain) n’est pas aussi implacable et magistral qu’ont pu l’être « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » et « Baccalauréat ». Le cinéaste continue de prendre le pouls de la société roumaine et la dissèque inlassablement à la manière de l’examen médical qui lui donne son titre. Cette fois il nous parle des relents xénophobes d’un petit village rural ainsi que des ravages du libéralisme et du capitalisme sauvage dans l’économie et la société de son pays. Une certaine Europe, le libre-échange des biens et des personnes et la peur de l’autre sont au centre du long-métrage et il les présente de manière frontale, radicale et réaliste, rendant ces sujets très contemporains totalement passionnants et sujets à débat.
Cependant, pour se fondre dans ce récit de plus de deux heures, il faut se farcir une première heure bien trop longue en guise d’introduction. « R.M.N. » n’avait pas besoin d’autant pour présenter ses enjeux et ses personnages. Mungiu tend le bâton pour se faire battre et condense durant cette partie tout ce qui fait la caricature d’un certain cinéma roumain (heureusement on n’est pas dans le purgatoire que fut le chemin de croix « Bad luck banging or loony porn »!). C’est donc plutôt long à se mettre en route tout comme à présenter les relations entre les différents protagonistes et les problèmes en place dont il souhaite débattre par l’entremise de son film. De plus, la forme certes austère mais néanmoins adaptée au fond, n’est pas pour aider à appréhender un tel cinéma. Enfin, la dernière séquence, sibylline et à la lisière du fantastique, est ratée. Trop nébuleuse et venant totalement couper le réalisme jusque-là avéré du long-métrage, elle en devient son talon d’Achille et nous fait revoir la maestria du second acte à la baisse.
Mungiu reste pourtant un observateur aguerri des bouleversements sociaux de son pays. Et ce qui se présente comme la cerise sur le gâteau et synthétise son cinéma, un plan fixe de près de vingt minutes sur une sorte de tribunal populaire, ne déçoit pas. Cette séquence phare de « R.M.N. » cristallise tous les maux d’une Europe malade, en proie à des directives européennes aberrantes ou encore faisant face à des relents racistes d’un autre âge. Le réalisateur se fait alors l’observateur d’une société malade et ne juge pas. Ce qui pourrait être vu comme un défaut est en fait une qualité car les arguments présentés par chacun des figurants alterne le bon sens et le ridicule et certains aspects nous rappellent à un obscurantisme d’un autre âge. C’est ensuite à nous de juger. L’analyse au scalpel éprouvée par le film fait froid dans le dos et le constat est sans appel. Du cinéma loin du divertissement, qui demande l’investissement du spectateur et sollicite son intelligence. En sortant de la salle, nous sommes poussés à la réflexion mais il aurait fallu éviter de s’étendre pour rien et de couler ce récit éminemment politique dans une forme si clinique et distanciée de la sorte, empêchant parfois l’adhésion du public, en plus d’une fin si étrange et inadaptée.
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