Les enfants sont une ressource naturelle renouvelable et ils engendrent un grand roulement de l'économie. On dépense beaucoup pour et à cause des enfants. Il y a les dépenses nécessaires, et les dépenses moins-nécessaires-mais-quand-même liées au divertissement; le cinéma, bien sûr, fait partie de la deuxième catégorie avec les bonbons, les manèges, les glissades, etc. Et si on a, socialement, des dizaines de façon d'évaluer la valeur et la rentabilité d'un investissement, avec les enfants, il n'y en a qu'une : ont-ils apprécié? On le voit immédiatement à leur visage, et on le sent tout de suite à leur comportement et à leur écoute. C'est déjà difficile à prévoir, alors dans un cas comme Rio, un film inoffensif d'une simplicité parfois aberrante mais mignon et coloré, on s'avoue vaincu : impossible de savoir avec certitude si les enfants apprécieront. Comme ce film s'adresse à eux, c'est la seule chose qui compte : ça risque d'être 50-50. On peut cependant dire sans se tromper qu'ils n'y trouveront rien de mémorable.
Le plus récent film d'animation de Blue Sky (la série Ice Age) n'a pas à la qualité visuelle et narrative des films de Pixar. Il ne se compare même pas au premier Ice Age niveau humour; ses quelques blagues s'avèrent grandement prévisibles et quasi slapstick : de la bave de chien, ça fait beaucoup rire il paraît, tout comme un personnage maladroit qui ne cesse de se cogner la tête et des parents qui s'embrassent (ark!). Disons que c'est du déjà vu, mais comme les enfants se sont renouvelés, ils pourraient bien en rire pour la première fois. On ne leur gâchera pas ce plaisir...
D'autant que Rio, comme à peu près tous les films d'animation pour enfants, porte un message de vie assez simpliste sur l'amour, la liberté, la confiance en soi, etc. Ça aussi, c'est du déjà vu, déjà entendu, mais les enfants du nouveau millésime s'en amuseront peut-être... On ne se souvient pas d'une scène en particulier dans Rio qui aurait impressionné plus que les autres, ni d'une idée de réalisation qui aurait attiré l'attention. On est strictement dans le pragmatique : l'histoire à raconter est ici, les moyens sont là, le résultat est prévisible et attendu.
Les classiques d'animation de Disney des années 90 comme La belle et la bête ou Le roi lion étaient aussi des films à fort message, à la morale facile, mais ils avaient - c'était dans un autre siècle! - leurs moments épiques, souvent effrayants, dont on se souvenait longtemps. Rien de tout cela dans Rio : que du bonheur, du divertissement, des couleurs, des chansons, de la légèreté (c'est normal, c'est des oiseaux!). Ça peut être amusant, mais ça ne risque pas de rester très longtemps en mémoire.
D'autant qu'on n'a pas encore prouvé que le 3D ajoutait quoi que ce soit à l'expérience d'un enfant au cinéma (encore une dépense!). Mais il y a peut-être une donnée qu'on n'a pas prise en compte cependant : garder ses enfants tranquilles devant un écran pendant 90 minutes, c'est peut-être un investissement qui vaut le coup pour le parent...