Une mère se bat pour sauver sa famille dans Rien à perdre, le bouleversant premier long métrage de fiction de Delphine Deloget.
Sylvie (Virginie Efira) adore ses enfants (Félix Lefebvre et Alexis Tonetti). Mais le quotidien d'une mère monoparentale n'est pas toujours évident, et elle doit travailler tard pour payer les factures. Lorsqu'un accident survient pendant son absence, on menace de lui soutirer son plus jeune fils. Évidemment, elle ne l'entend pas ainsi...
Construit comme des montagnes russes avec ses hauts vertigineux et ses bas abyssaux, ce film prenant pose les jalons d'une communauté unie. Peu importe le manque d'argent et de moyens, rien ne peut arrêter ce trio de feu, qui est entouré d'un bon réseau d'amis. De l'espoir en barre qui s'avère communicatif.
Jusqu'au moment où le destin vient brouiller les cartes. Malgré tout son courage et sa détermination pour récupérer la chair de sa chair, l'héroïne finit par s'enfoncer dans le sable mouvant d'une machine kafkaïenne qui l'isole de plus en plus, fragilisant son travail, sa santé et la solidarité avec ses proches.
Il fallait une actrice remarquable pour manier à la fois la comédie et le drame. Cela tombe bien, Virginie Efira en a fait sa marque de commerce, elle qui est aussi à l'aise dans le registre ludique (Adieu les cons) que mélodramatique (L'amour et les forêts). Le portrait de femme et de mère qui en découle va droit au coeur.
Face à elle se dresse un système implacable et parfois déshumanisant, qui veut le meilleur pour les enfants sans y arriver nécessairement. Le scénario complexe de Deloget n'est pas là pour le juger, mais pour l'examiner et en évaluer les conséquences. Un travail minutieux qui n'est pas sans rappeler celui de Ken Loach ou de Stéphane Brizé.
La cinéaste est issue du documentaire et cela paraît dans sa façon de mettre les personnages à l'avant-plan, de les suivre grâce à sa caméra à l'épaule. Cela n'empêche pas des plans-séquences de se faire ressentir ici et là. Sa mise en scène peut manquer de personnalité, mais elle regorge d'énergie.
C'est pourtant le pouvoir de la fiction qui triomphe à la toute fin. Coincée dans un engrenage qui la dépasse, la protagoniste ose une action inattendue, qui risque de sceller à jamais son destin. Une conclusion humaine à défaut d'être morale qui ne risque toutefois pas de faire l'unanimité.
Carburant à l'émotion avec des séquences crève-coeur (lorsqu'on arrache le jeune garçon de son grand frère) et d'autres salutaires (cette séquence dansée et chantée sur Les feuilles mortes), Rien à perdre est un premier film puissant et maîtrisé d'une réalisatrice à suivre de près. Malgré ses aspects sociaux et politiques, il s'agit d'abord et avant tout d'un odyssée de survie qui est menée par une actrice en pleine possession de ses moyens. Un combat de chaque instant pour ne pas sombrer dans l'abyme.