Quelle mouche a piqué Cédric Klapisch? Depuis son immense succès L'auberge espagnole il y a déjà 15 ans, ses films varient entre le à peine passable et le très oubliable, se tenant très loin des excellents Chacun cherche son chat et surtout Un air de famille de ses débuts. Il a beau changer (encore) de registre dans Retour en Bourgogne où il sort enfin de la ville, rien n'y fait.
Surtout que cette fois, il semble lorgner vers son long métrage culte et générationnel Le péril jeune. Deux frères et une soeur se réunissent après dix ans pour enterrer leur père, prendre en charge son vignoble et ressasser des souvenirs.
S'il est question d'une multitude de thèmes nobles et fondamentaux - transmission, rédemption, réparation des erreurs du passé, trouver sa place sur terre, renouer avec la nature -, le tout est abordé lourdement. Dès l'introduction où l'on voit le passage des saisons sur la végétation, le propos est clair comme de l'eau de roche. Le temps joue sur le vin et les gens. Une métaphore bancale, redondante avec cette assommante voix hors champ qui explique constamment le comment du pourquoi. Il est même question de prendre soin de ses « racines », alors qu'un héros discute avec l'enfant qu'il était pour voir s'il a bien tourné. Un tour de passe-passe qui n'arrive pas à remplir ses effets escomptés : créer artificiellement de l'émotion et de la poésie.
Quelques éléments humoristiques amènent cependant un peu de légèreté. C'est le cas de ces conversations que s'inventent les deux frères en regardant leurs semblables. Grand défricheur de talents, le réalisateur a fait du beau travail en réunissant Pio Marmaï, Ana Girardot et François Civil. La fratrie fonctionne allègrement malgré les immenses stéréotypes qui handicapent leurs personnages. Le scénario trop dans la nostalgie et la mélancolie asservit les situations et les dialogues, créant des enjeux environnementaux et féministes d'une simplicité déconcertante.
C'est à se demander si l'ensemble n'aurait pas été plus intéressant et pertinent débarrassé du vernis de la fiction. Toute la section documentaire sur les vignes, les vendanges et la façon de pratiquer ce métier unique provoque un sentiment d'ivresse. Une sensualité se dégage des images, cadrées minutieusement comme chez Chen Kaige ou Akira Kurosawa, où l'espace prend toute la place. La photographie magnifique appelle un rythme lent, patient et méditatif (le cinéaste vient parfois contrecarrer son propre travail avec un montage trop accaparent), aux antipodes du cinéma usuel où l'action, les explosions et la violence priment.
Frère jumeau de son précédent et décevant Casse-tête chinois, Retour en Bourgogne vise la profondeur et ne récolte que la superficialité. L'effort possède un bon fond, un charme certain, sauf que son arrière-goût ne tarde pas à prendre toute la place. Sans parler de piquette, Sideways d'Alexander Payne et Conte d'automne d'Éric Rohmer s'avéraient, dans le même domaine, de bien meilleurs crus.