Un problème répandu dans les films chorals est la pertinence et la légitimité des différentes histoires entre elles. Certaines sont parfois touchantes, bien construites et judicieuses, mais la plupart restent vides ou accessoires, souvent gavées de liens et d'affiliations forcées pour donner au film une (fausse) impression d'homogénéité. Reste avec moi n'évite certainement pas cette difficulté, on pourrait même dire qu'il plonge tête première dans le piège narratif. Seulement un ou deux tableaux sont vraiment fonctionnels, pour le reste, ce ne sont que des chroniques impertinentes sur des sujets pourtant primordiaux mais ici développés comme de banals - et risibles - éléments déclencheurs.
Reste avec moi suit différents personnages avec de lourds problèmes. Une fillette, allergique à son chat, se sent trahie par sa mère lorsqu'elle lui explique qu'elle devra se séparer de son animal de compagnie. Un vieil homme doit accepter la mort prochaine de sa femme qui dépérit à vue d'oeil. Un couple, qui file le parfait bonheur, doit prendre une décision importante suite aux résultats d'une échographie et un homme tente de soutenir sa femme alcoolique qui ne cesse de rechuter dans son vice.
La première scène - qui dévoile un vieil homme assis seul sur un banc de parc qui tente de discuter avec un homme d'affaires pressé - se révèle une ouverture sincère et ingénieuse, mais, rapidement, la fraîcheur se dissipe pour laisser place à des drames larmoyants et des peines insolubles. Le scénario est malhabile et enchaîne bêtement des évènements malheureux qui deviennent risibles plus le récit se complexifie. Les immigrants qui passent d'un taudis à un autre et qui sont victimes d'intimidation psychologique et physique nous apparaissent davantage comme une caricature du milieu plutôt qu'un drame. Les dialogues qu'on leur met en bouche (« N'oublie pas que c'est pire là-bas ») et les supplications à genoux de la femme à son employeur ne font qu'empirer la chose.
Pour ne pas que le film nous apparaisse comme un recueil de nouvelles, on tente de créer des corrélations entre les différents protagonistes. Mais ces liens sont si superficiels et prévisibles (la soeur de l'un, l'employé de l'autre) qu'on a rapidement l'impression qu'ils ont été imaginés en fin de parcours pour instituer une certaine causalité globale au récit (l'homme âgé parvient à faire rire sa femme pour la première fois grâce au chaton de la fillette). Si, par exemple, le vieillard, campé sur son banc de parc depuis des jours, avait inventé chacun des évènements à partir de l'impression que lui donnaient des passants, les histoires auraient pu être indépendantes - pas de frère du cousin de la belle-mère - sans pour autant perdre de leur subtilité (Love Actually, qui réunissait tous ses personnages à l'aéroport lors du dénouement, nous l'a d'ailleurs prouvé en 2003).
Le jeu souvent « gros » des comédiens nuit également à la cohésion du récit. On semble vouloir provoquer l'empathie rapidement (on a peu de temps pour toucher les gens) grâce à une performance émouvante des acteurs, mais on ne fait que créer une sur-dramatisation sensationnaliste et peu crédible. Louis Morissette, malgré son talent d'auteur et d'humoriste, n'a pas la carrure pour supporter un rôle dramatique. Il en va de même pour Joseph Antaki à qui l'on impose des mots absurdes et inconséquents en lien avec la sur-dramatisation précédemment citée (il est d'ailleurs le seul à qui l'on n'inflige pas un happy-end réconciliateur).
Reste avec moi ne permettra pas de faire oublier au public québécois l'insuccès (justifié) du film Le bonheur de Pierre que nous a présenté Robert Ménard l'an dernier. Il lui faudra un tour de force significatif pour qu'on pardonne cette seconde défaite.