Après plus de 30 courts métrages, la reine du mouvement Kino, Kim St-Pierre, signe enfin son premier long avec Réservoir.
Il en a fallu de la persévérance et de la patience. Son film modeste et minimaliste est d'ailleurs à son image, avec ce rythme apaisé qui permet de se faire bercer par l'errance de l'eau. Malgré son microbudget, ce huis clos se déroulant généralement en plein air - sur un bateau-maison! - ne manque pas de sensibilité. La caméra se colle à la peau des êtres afin de dévoiler l'intimité meurtrie de ses personnages. La photographie demeure soignée malgré l'abondance de teintes grises, et la nature sauvage rappelle une présence fantomatique qui navigue en sourdine.
Elle représente celle du père absent : production québécoise oblige. Devant la mort du paternel, ses deux fils décident de disposer de ses cendres. Il n'y a toutefois pas plus différents que Simon (Jean-Simon Leduc) et Jonathan (Maxime Dumontier). Le premier est solaire, rieur et musicien, alors que le second s'avère beaucoup plus réservé, résultant de son métier de militaire. Ils devront apprendre à s'apprivoiser et à faire la paix avec le passé afin d'arriver à bon port et de retrouver le chalet familial qui devient la métaphore de leur enfance.
Ce scénario qui porte sur le deuil et la renaissance ne brille pas par son originalité. Ce type de récit est légion dans notre septième art national (Apapacho, une caresse pour l'âme qui a pris l'affiche dans les dernières semaines abordait une thématique similaire) et on va même en avoir un autre pour Noël avec Merci pour tout. Des détours scénaristiques attendus aux révélations télécommandées, les surprises se font rares. Si les images puissantes convainquent allègrement (ce bateau-maison continuellement en mouvement: quel beau symbole cinématographique!), il en va tout autrement des mots.
C'est là d'ailleurs que l'histoire prend l'eau. Les dialogues manquent trop souvent de naturel. Ils sont lourds et appuyés, à l'instar des quelques chansons qui parsèment la progression. Entre « C'est fucké la vie pareil » et « On n'a pas changé », l'écriture ne possède pas la finition souhaitée. Surtout qu'on a fait apparaître, l'espace de quelques scènes, un troisième personnage, pour rappeler l'importance d'aider les autres. Ironiquement, cela sert davantage à moraliser la situation de monologues du type « C'est correct de laisser partir. Il faut laisser partir. La mort fait partie de la vie ».
De quoi malheureusement handicaper l'émotion. Un humour était présent afin de dédramatiser... sauf qu'il n'y a plus rien maintenant pour équilibrer. Ou pour empêcher les acteurs de boire la tasse. Malgré leur complicité indéniable, les interprètes en mettent trop. Principalement Jean-Simon Leduc, qui se laisse aller après avoir incarné un personnage intériorisé dans Chien de garde. Plus nuancé et intense, Maxime Dumontier n'est pas exempt de tics. Ils nagent davantage comme des poissons dans l'eau lorsque la création ne repose pas entièrement sur leurs épaules, comme ce fut le cas récemment dans Genèse.
Malgré ses défauts et ses maladresses, Réservoir confirme le talent que la cinéaste trentenaire laisse émaner depuis près de 18 ans : des obsessions limpides, des images marquantes, une façon bien à elle d'occuper l'espace. Kim St-Pierre a seulement besoin d'un scénario plus riche, dense et profond pour que son film ne ressemble pas à un court métrage étiré. Souhaitons-lui un nouveau long - et plus vite que le suivant - où elle pourra enfin voler de ses propres ailes.