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Enquête sinueuse.
Au départ, avant même le visionnage, il intrigue ce film policier. C’est un premier film d’un total inconnu. Il se pare d’un casting inattendu avec l’excellent Benicio del Toro qu’on n’avait pas vu depuis un bail et surtout aussi impliqué (il co-écrit le scénario). Et l’atmosphère très sombre et anxiogène qui nous prend dès les premières minutes interpelle. Il y a aussi, à n’en pas douter, une certaine impression de déjà vu (et revu) dans le genre du polar. Surtout que le film commence sur le meurtre d’une jeune femme qu’un policier muté au passé trouble va devoir élucider. Rien que du très banal et donc rien de bien original en effet.
Cependant, le traitement assez radical choisi par Grant Singer pour sa première incursion derrière la caméra va faire toute la différence. Et diviser. En effet, « Reptile » est un film assez long et lent, au scénario sinueux et tortueux, qui fait le choix méritoire mais risqué de favoriser une enquête ultra réaliste et anti-spectaculaire plutôt que d’en mettre plein la vue avec des séquences musclées ou une accumulation de meurtres choquants. Ici on nous propose donc une enquête tentaculaire aux multiples couches narratives. Pour le meilleur et pour le pire...
Alors oui on peut trouver cela un peu trop étiré surtout que près d’une heure de film est dévolue à une fausse piste, ce qui n’est pas courant. Mais c’est cohérent avec ce que souhaite probablement nous faire ressentir le réalisateur qui a également écrit le scénario : les mauvaises directions prises par une enquête sont courantes dans la réalité. En tout cas plus que des déductions foireuses et improbables ou des facilités de script qui reviennent à se moquer de l’intelligence du spectateur. Dans « Reptile », incohérences et grosses ficelles ne seront donc pas de la partie et c’est une bonne chose.
Singer a pu également écrire de vrais personnages, des premiers rôles jusqu’aux seconds. Par exemple, le développement de la relation du personnage principal avec sa femme est parfait et densifie le profil des deux protagonistes. Cela lui donne un surplus de cœur et d’âme tandis qu’elle peut s’enorgueillir de n’être pas qu’une simple potiche ou un faire-valoir. On peut en dire autant de tous les personnages se trouvant du mauvais côté de la barrière, au profil bien plus soigné et fouillé qu’à l’accoutumée.
Le script touffu nous tient en haleine malgré ce côté combustion lente auquel il faudra s’habituer. On a envie de connaître le fin mot de cette histoire et il est dur de deviner de quoi il en retourne tellement cette machination est tordue et complexe mais tout à fait probante. L’ensemble de la distribution et l’investissement de chacun dans des rôles nuancés ainsi qu’un soin particulier dédié à nourrir une ambiance sombre et poisseuse sont d’autres qualités indéniables de ce polar âpre et tendu. Il n’en est pas de même pour la mise en scène qui reste très classique et conforme à toute une génération de films policier de ce type. On sent que Singer n’est pas (encore?) un grand esthète à l’aise avec la caméra et capable de nous en mettre plein la vue visuellement. En attendant, c’est un premier film ambitieux, d’apparence certes classique, mais qui peut surprendre en bien. En tout cas pour qui voudra bien se laisser aller à un rythme nonchalant privilégiant la naturalisme et le vrai à l’épate hollywoodienne à laquelle on est davantage habitué pour des thrillers américains de ce genre.
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