Partout où il a été présenté, Réparer les vivants, qui est une adaptation d'un livre à succès, a été caractérisé de film kleenex. Une oeuvre émouvante qui permet aux glandes lacrymales de se laisser aller. Il est si rare de pleurer au cinéma, pourquoi se retenir? À condition évidemment de ne pas sentir toute la manipulation derrière ce procédé, ce qui n'est pas toujours le cas ici.
Le tout commence bien entendu avec la mort : celle d'un adolescent. Un décès soudain et injuste qui, à partir d'une introduction très réussie et d'ellipses formidables, donne une aura à ce personnage évanescent. Ce sont les moments les plus poétiques et lyriques du lot, alors qu'une romance sensorielle est réduite en cendres par la Grande Faucheuse. La musique puissante d'Alexandre Desplat agit comme un leitmotiv pour soutirer encore plus de larmes, de sanglots et de morves.
Surtout qu'on montrera abondamment les visages défaits des parents. Des êtres qui défileront comme des zombies dans des paysages industriels aussi ravagés qu'eux. Pour la subtilité du symbole, il faudra repasser. Ce n'est pas si grave lorsque l'interprétation est au premier plan et elle l'est. Emmanuelle Seigner s'avère d'une justesse incroyable et Kool Shen rappelle qu'il y a une vie après le rap.
Peu à peu, l'intérêt porte sur le milieu hospitalier et le long métrage se transforme en film à thèses sur le don d'organes. On découvre de nombreux individus - interprétés avec conviction par les Tahar Rahim, Bouli Lanners, Monia Chokri - qui se battent pour leurs patients et le climat de la production devient ainsi plus froid et naturaliste, jamais trop éloigné du documentaire avec ces longs plans sur des chirurgies. Un changement de registre qui est le bienvenu et qui coule de source, porté par un humour fin et des êtres attachants.
Ce ne sera pas comme ça jusqu'à la fin et une nouvelle rupture s'opère, étant possiblement la moins maîtrisée du lot. L'intrigue se déplace alors sur une mère de famille (Anne Dorval) en attente d'un nouveau coeur, qui garde foi en l'existence grâce à ses deux fils et à une amie pianiste (Alice Taglioni). Même si le jeu d'ensemble est relevé, ces âmes sont plutôt lisses et leur délicatesse ne touche plus. Cela n'empêche pas la talentueuse cinéaste Katell Quillévéré (la réalisatrice des très bons Suzanne et Un poison violent) de créer de la magie à l'occasion (le dernier plan est magnifique), raffinant sa mise en scène en envoyant en renfort des mélodies mémorables de Nils Frahm et de David Bowie.
À la fois beau et prévisible, lourd et parsemé de lumière, Réparer les vivants offre une force vitale à ceux qui restent. Réconfortant plus que bouleversant, le scénario chargé rappelle l'importance du don d'organes de façon frontale. On est loin de l'excellent 21 Grams ou de l'affligeant Seven Pounds. De quoi vouloir donner sa chance à ce petit film pas toujours honnête qui ne manque pas de grâce, d'élégance et ultimement d'espoir.