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Portrait de femme.
Voilà le premier gros morceau de cinéma de 2021 et un film qui devrait se retrouver en très bonne place dans la course aux récompenses de tous bords. Le réalisateur hongrois Kornel Mundruczo nous avait habitué à des films d’auteur aux sujets très étrange, le plus accessible étant l’intéressant mais particulier « White God » et ses chiens errants qui se soulèvent contre l’homme. En général, ce sont des films de festivals souvent extrêmes et peu aptes à plaire à tous. Il change ici son fusil d’épaule et s’ouvre à une audience plus large ici, sur le fond comme sur la forme, avec ce mélodrame élégant et chic, presque de papier glacé. Netflix se dote avec « Pieces of a woman » de son parfait candidat aux Oscars comme le fut « Marriage Story » l’an passé, une œuvre sublime, forte et maîtrisée qui nous avait encore plus convaincu. Mais c’est une réussite aussi ici car ce long-métrage marque l’esprit pour pas mal de raisons, de sa scène introductive choc à la prestation de son actrice principale en passant par sa mise en scène et ce qu’il dit en creux, entre symbolique et psychologique.
La première demi-heure est un véritable tour de force niveau technique mais pas seulement : on n’a en effet que très rarement vu ce genre de scène de manière aussi frontale et longue au cinéma, le dernier souvenir du genre remontant à la Palme d’or roumaine « 4 mois, 3 semaines et 2 jours ». C’est un moment de plaisir de cinéma par sa maestria mais aussi de sidération pour le spectateur qui souffre avec le personnage tellement c’est réaliste. A travers un long plan-séquence impressionnant, nous assistons donc à l’accouchement à domicile d’une femme accompagnée de son mari et d’une sage-femme. Un accouchement qui va aboutir au décès du bébé et à une reconstruction totale du personnage principal. La scène est sans concession, éprouvante et elle donne le la d’emblée. On ne peut donc que louer la mise en scène du cinéaste qu’on imagine avoir répété la séquence des dizaines de fois tout comme la qualité des maquillages de femme enceinte et surtout l’implication de Vanessa Kirby. Elle est tout à fait sidérante, aussi bien dans cet accouchement qui lui en demande beaucoup que dans les scènes introspectives qui suivent. Elle parvient parfaitement à retranscrire les troubles et les questionnements de cette jeune femme. Si la déliquescence puis la rupture du couple semblent plus classiques suite à ce drame, « Pieces of a woman » n’en fait pas son sujet principal et à raison. Le script préfére se concentrer sur elle et le procès contre la sage-femme avec le cas de conscience que cela engendre.
C’est un film à la photographie glaciale mais chic, aux images ternes et hivernales, qui nous apparaît comme un objet froid, une pièce du musée qui tient à distance sans pour autant être maniérée. C’est beau mais tellement tiré à quatre épingles dans les images et la psychologie des personnages que l’émotion a du mal à passer. « Pieces of a woman » développe un sujet grave et triste mais ne nous touche pas autant qu’il devrait ce qui ne l’empêche pas d’aborder des thématiques et des questionnements lourds de sens et qui interpellent. La symbolique qui inonde le film (notamment la pomme avec la scène finale) amène un côté onirique original - presque poétique - et fait terminer le film sur une bonne note inattendue. On apprécie le réalisme des choses dites et des situations enrichies de dialogues forts et profonds. C’est sans conteste un grand et beau film où tout est millimétré et calculé, ce qui laisse peu de places aux affects mais qui fait montre d’une maîtrise narrative et formelle incontestables.
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