Reminiscence ne manque pas d'ambition. Le long métrage explore d'ailleurs une idée géniale qui aurait pu le rendre mémorable. C'est malheureusement tout le contraire qui se produit.
Dans un futur proche où la montée des eaux menace les grandes villes, un détective privé (Hugh Jackman) qui exploite une invention permettant aux gens de revivre les bribes de leur passé s'amourache d'une mystérieuse chanteuse (Rebecca Ferguson). Lorsque cette dernière disparaît sans laisser de trace, il fera tout pour la retrouver...
Ce suspense d'anticipation ratisse large. Entre la science-fiction, le polar à l'ancienne, le drame sentimental et le mythe grec (celui d'Orphée et d'Eurydice), rien n'est à son épreuve. Son concept de base, fascinant, est matière à réflexion et émotion, se déroulant entre hier et aujourd'hui, ici et là-bas. Surtout que la grammaire cinématographique développée par Lisa Joy (la cocréatrice de la série Westworld) multiplie les ellipses déroutantes, utilisant la force de son montage et de ses images à bon escient.
On ne peut en dire autant de son scénario, qui prend l'eau à bien des égards. Malgré son potentiel immense, le script finit par sentir le déjà-vu, la jouant inutilement compliqué pour rien (c'est un film noir, mais quand même). Le rythme ankylosé ne tarde pas à peser, tout comme les élans kitschs de la narration. Déjà qu'il faut se farcir une voix hors champ envahissante, qui explique tout dans le détail lors de la finale plus ou moins concluante.
Le récit s'apparente à bien des égards à une pâle copie du cinéma de Christopher Nolan. Inception, évidemment, dont les concepts sont imités et simplifiés, jusqu'à la trame sonore de Ramin Djawadi qui imite celle de Hans Zimmer. Mais également Memento dans la quête obsessive du protagoniste à se rappeler pour mieux oublier. Faut-il se surprendre que l'auteur de la courte histoire ayant inspiré cette oeuvre culte de 2000 soit son frangin Jonathan Nolan, qui est aussi l'époux de Lisa Joy qui signe ici le scénario et sa première réalisation?
Parfait dans ce rôle principal qui aurait pu être tenu par Humphrey Bogart à une autre époque, Hugh Jackman est pratiquement le seul à croire à la véracité de l'exercice. Sa chimie défaillante avec Rebecca Ferguson n'est pas là pour aider. Mais encore une fois, tout est une question de dialogues boursouflés et de développements dramaturgiques qui laissent à désirer. Comme si l'intérêt de la production n'était pas dans cette relation entre le héros et la femme fatale, mais tout ce qui l'entoure. Cette ville en décrépitude menacée par les flots qui possède un fort caractère social et écologique. Le personnage de l'assistante incarnée par l'excellente Thandiwe Newton dont la souffrance demeure dans l'ombre. Puis cette femme qui ne pense qu'à danser avec son mari. C'est lorsque la mélancolie se fait ressentir qu'une véritable profondeur émane de l'ensemble.
Cela arrive malheureusement trop rarement. Reminiscence y préfère une démonstration lourde et attendue, l'action et les poursuites, la romance plaquée. Pas surprenant alors de sortir de la salle de cinéma en ne se souvenant de presque rien. Tout le contraire de 2046 de Wong Kar-Wai et Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan qui arrivaient à jongler de façon puissante avec des thèmes similaires en marquant irrémédiablement les esprits.