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Dialogue en vase clos.
À la base, « Reality » est un téléfilm de la chaîne américaine HBO qui a tellement impressionné la presse et le public qu’il a eu droit non seulement à une présentation au Festival de Berlin cette année mais également à une sortie dans pas mal de pays, dont la France, tandis qu’au Québec il a été mis sur la plateforme de streaming canadienne Crave. C’est le sort qu’avait eu il y a une dizaine d’années l’excellente biographie « Ma vie avec Liberace » avec Michael Douglas et Matt Damon et c’est assez rare pour être souligné. On retrouve donc ici la patte de la firme HBO réputée pour sa qualité et ses sujets pointus et parfois abrasifs. Ici on oscille entre la pure reconstitution filmée d’un faits divers et le docu-fiction mais qui prend bien plus l’aspect d’une fiction que d’un documentaire ce qui rend le résultat assez troublant. Un travail protéiforme assez particulier mais qui s’avère hautement maîtrisé et passionnant.
On nage ici en plein dans le film concept qui a parfois des airs d’exercice de style mais cela sert parfaitement le propos. À contrario, c’est aussi ce qui laisse entrevoir quelques limites à ce « Reality ». On assiste à la retranscription de l’interrogatoire et de la perquisition à son domicile par le FBI d’une jeune linguiste qui semble ne pas être aussi nette qu’à première vue. Inspirée de cette véritable histoire qui a eu lieu en 2017, cette œuvre peu commune a le mérite de l’originalité. Mais il ne faudra pas en dire plus pour ne pas gâcher le suspense. Cependant, c’est forcément très bavard – ce n’est même que cela – tout autant que c’est statique car on ne verra rien d’autre que le jardin et la maison de la jeune femme, notamment une pièce blanche et vide avec juste trois acteurs (les deux agents du FBI et la jeune fille). On est donc en plein dans une sorte de huis-clos conceptuel mais dont les deux buts sont pleinement remplis : créer un suspense paranoïaque et dénoncer les dérives du pouvoir américain.
Pour ce qui est de l’aspect suspense, « Reality » nous colle dès ses premières images dans une sorte de climat anxiogène et malaisant. Avec très peu d’effets, la réalisatrice Tina Satter parvient à nous mettre dans une situation inconfortable surtout que le déroulé de l’interrogatoire tel qu’il s’est passé est parfois étrange voire loufoque, ce qui rend le tout encore plus bizarre. A chaque salve de dialogues, la tension monte crescendo et on sent que tout cela n’est pas clair. Un sentiment étrange d’étouffement très réussi naît en nous. Sydney Sweeney est épatante et confirme tout le bien que l’on pense d’elle depuis les géniales séries HBO « Euphoria » et « The White Lotus ». Puis, sous couvert de cet exercice de style, se niche une critique souterraine mais puissante du pouvoir, de la vision de la sécurité intérieure américaine (et ses excès) et du côté parfois poussif et ridicule de la situation. Voilà donc un objet cinématographique à la fois rare, passionnant mais austère et dérangeant.
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