Les films de Rambo apparaissent toujours pendant les pires règnes à la Maison-Blanche. Normal, il est le porte-étendard des États-Unis, ayant participé à sécuriser le Vietnam, l'Afghanistan et la Birmanie. Pour le cinquième long métrage à son effigie, il part dompter les méchants Mexicains dans Last Blood.
Le titre fait évidemment référence à First Blood, la première mouture qui a pris l'affiche il y a 37 ans. Une oeuvre sobre devenue culte sur un protagoniste qui souffrait de stress post-traumatique. Le plus récent scénario cherche ainsi à faire un retour aux sources, présentant un héros qui n'a pas oublié le passé, mais qui tente de vivre le présent paisiblement, dans la société, au sein d'une famille de substitution. Il y a même une relation père/fille plus ou moins crédible pour rappeler que John Rambo n'est pas dénué de coeur, d'âme et d'émotions.
Mais lorsque cette jeune personne se fait kidnapper par un cartel, rien ne va plus. L'homme solitaire imite John Wayne dans le classique The Searchers et il part la retrouver au Mexique, levant le voile sur le côté sombre de ce pays (pour en savoir plus sur la situation, mieux vaut se tourner vers l'excellent documentaire Soleils noirs). Sa quête prend la forme d'un western, mis en scène mollement par le réalisateur Adrian Grunberg, dont le surprenant Get the Gringo avait notamment permis de redorer le blason de Mel Gibson. Ce ne sera pas le cas ici tant le rythme est défaillant, les dialogues insignifiants et l'interprétation secondaire assez douteuse - hormis comme toujours l'excellente Adriana Barraza, l'ancienne égérie d'Inarritu.
La production prend toutefois un nouveau tournant à mi-chemin. De la figure humaine, faillible et vulnérable, on présente subitement un demi-dieu invincible qui se met à se venger avec la violence la plus barbare et exagérée possible. Une séance de démembrement titillant allègrement les bas instincts. Un peu plus et on se croirait devant une fantaisie de Robert Rodriguez. Une apologie ridicule de la loi du talion, à prendre sur le plan humain et politique. Sans doute que refaire un Rambo en 2019 tenait davantage de la farce, parce que cette création ne possède finalement que trop peu l'esprit de ses prédécesseurs... qui étaient loin d'être exemplaires.
C'est d'autant plus dommage qu'une idée intrigante est glissée dans le récit. Serein en apparence, le protagoniste a développé une série de tunnels et de souterrains labyrinthiques, s'y réfugiant plus souvent qu'autrement. La métaphore de ses troubles intérieurs est puissante et jamais développée davantage. Au lieu de ça, il passe son temps à créer des traquenards - comme Nick Nolte dans le récent Angel Has Fallen - et des pièges mortels, se prenant littéralement pour Jigsaw dans les épisodes de Saw. Un Rambo horrifique? Pourquoi pas!
Dans ces circonstances, Sylvester Stallone s'en sort honorablement. Même si ce personnage n'est pas aussi attachant et charismatique que Rocky, il est doté d'une mélancolie qui lui est propre. Il n'a toutefois rien de très nouveau ou d'intéressant à dire sur ces figures emblématiques et vieillissantes qui appartiennent à une autre époque. Au contraire par exemple d'un Clint Eastwood qui y puise et développe une mythologie iconique.
Plus terre-à-terre, ancré dans le premier degré et avec une nostalgie bon marché, Last Blood n'est finalement qu'une énième tentative un peu vaine de papy Sly de sortir de sa retraite. Il a 73 ans et il ne pourra pas toujours faire des suites aux Expendables, Escape Plan et Rambo (à ce sujet, il est impératif de rester pendant le générique final). Pourquoi alors ne pas essayer des produits originaux ou revisiter des opus qui en valent vraiment la peine, comme l'incroyable Copland?