Filmer l'enfance vulnérable est toujours un vecteur d'émotions. Nadine Labaki l'a récemment prouvé avec Capharnaüm, qui a remporté un prix à Cannes et qui est nommé aux Oscars. C'est également le terrain de prédilection de Pupille, qui ne cesse d'attirer l'attention dans les remises de prix françaises.
Normal, son sujet est fort et important. Lorsqu'un enfant est né sous X, il devient pupille de l'État, qui doit lui trouver une famille d'adoption si sa mère biologique ne revient pas sur sa décision. Les choix ne manquent pas, mais les élus s'avèrent peu nombreux, alors que des hommes et des femmes pourront demeurer des années sur une liste d'attente dans l'espoir de jouer ce rôle.
Cet engrenage administratif, généralement long, compliqué et laborieux, est abordé par l'entremise d'un hymne collectif, où gravitent de nombreux personnages, dont une travailleuse sociale (Sandrine Kiberlain), un parent d'accueil momentané (Gilles Lellouche) et une femme qui souhaite ardemment être mère (Élodie Bouchez). Un dispositif narratif et réaliste qui n'est pas sans rappeler le brillant Polisse de Maïwenn.
Moins spectaculaire, Pupille joue davantage de finesse dans l'écriture, montrant ces luttes quotidiennes et ces séances de découragements. L'humanité est au coeur des préoccupations de la réalisatrice Jeanne Herry, qui a mangé ses croûtes depuis son peu mémorable Elle l'adore, et qui n'oublie pas de laisser la lumière la guider. On retrouve ainsi foi envers le genre humain, lorsque tous s'appliquent à créer des petits miracles.
Cela donne des moments tendres et émouvants, notamment lorsqu'un des protagonistes tient le bambin dans ses bras en le rassurant. Il n'est cependant pas rare que le long métrage force un peu la dose, beurrant plus épais que nécessaire pour soutirer des larmes. Lorsqu'un film s'adresse autant au coeur, les excès sont si vite arrivés.
Ils ne sont heureusement pas trop dommageables tant l'effort se gère par lui-même. La mise en scène, en apparence désorganisée avec toutes ses ellipses et ses tranches d'existence, finit par former un amalgame fluide et cohérent, injectant régulièrement de la tension et du suspense.
Puis il y a l'interprétation d'ensemble, majestueuse, qui donne ses lettres de noblesse à l'ouvrage. Il faut remonter deux décennies en arrière, jusqu'à La vie rêvée des anges plus exactement, pour trouver une Élodie Bouchez aussi allumée au cinéma. Pendant huit années, son personnage n'a d'yeux que pour son rêve, inlassablement, aidant ses semblables même si les fruits de ses efforts ne seront peut-être pas récompensés.
Elle n'est pas seule à mettre la main à la pâte. Gilles Lellouche n'aura jamais paru aussi sensible et dévoué, alors que Sandrine Kiberlain rajoute un autre personnage riche et complexe à son étonnante filmographie. Même les seconds violons, les Clotilde Mollet, Olivia Côte et autres Miou-Miou (la mère de la cinéaste), s'accordent pour insuffler une douce harmonie à ce projet.
Sans ses excellents acteurs, Pupille aurait été un film comme les autres, bien intentionné et à fleur de peau, mais un peu quelconque. Ils arrivent toutefois à sublimer la matière première et à élever l'oeuvre, qui en bouleversera plus d'un. Évidemment, tout dépend de sa propension à se laisser toucher, séduire et attendrir par ce sujet, si juste pour les uns et plus manipulateur pour les autres.