Mystic River. Zodiac. Se7en (qui date quand même de 1995). The Black Dahlia. Insomnia. Et combien d'autres! Le drame d'enquête, avec ses passages obligés de fausses pistes, de faux suspects, d'indices et de retournements, est un genre bien balisé qu'il est difficile de révolutionner. Avec ce premier film produit dans le contexte hollywoodien, Denis Villeneuve s'assure cependant de bien faire les choses. Dans le contexte d'une telle enquête, chaque détail sera scruté attentivement par le spectateur, qui cherche lui aussi à résoudre le mystère, et ce qu'il faut véritablement apprécier de Prisoners, c'est son sens aigu du détail, qui en fait une oeuvre immersive et prenante.
Le récit, bien construit même s'il s'étire trop, propose un univers crédible que Villeneuve traduit visuellement avec un grand talent. Les lieux, les maisons, les costumes - les détails - contribuent à créer un contexte propice à cette enquête, et qui permet de faire oublier quelques incohérences parfois poussives. On est rapidement happé par l'enquête, par les personnages, et on participe activement au film, ce qui est un très fort indicateur de sa qualité.
Les acteurs, Jake Gyllenhaal en tête, parviennent à transmettre la complexité de leurs personnages, encore une fois en misant sur des tics ou des croyances qui, sans être surlignées ou expliquées, contribuent au récit. Hugh Jackman et Melissa Leo s'en tirent aussi très bien, tandis que Paul Dano, un acteur qui démontre à chaque nouveau film son immense talent, est comme toujours tout simplement fascinant malgré son rôle limité. Terrence Howard, Viola Davis et Maria Bello sont moins sollicités et s'avèrent d'ailleurs moins fins dans leurs interprétations.
Certes, Prisoners ne va pas au bout de ses ambiguïtés morales sur le rapport entre criminel et victime, qui ne cesse de changer au fil du récit. Il est dommage qu'on évite de bousculer les spectateurs en lui offrant une finale rassurante, et surtout en cachant à son regard les dommages de la vengeance, si facilement justifiée par la nécessité de sauver la victime (qui est en réalité celle d'avoir un coupable). Les sept jours du Talion abordait le sujet avec davantage d'audace.
Mais tout de même, l'enquête de Prisoners est engageante jusque dans ses moindres... détails. C'est véritablement ce qui prévaut, et le scénario laisse traîner de nombreux indices qui paraissent parfois trop « conscients » d'être dans un film... La « révélation » finale est, en ce sens, efficace, mais la justification, bien moins, même si on a déjà vu bien pire.
Prisoners, donc, fait bien ce qu'il fait, et peut miser sur des interprétations solides, un scénario habile et une réalisation maîtrisée au service du récit, et ce malgré quelques longueurs. Prisoners n'en fait pas plus. Je vous entends le dire : c'est déjà pas mal. Vrai, et on croit l'avoir dit. Mais le jeu Heavy Rain, qu'on n'a cessé de se remémorer pendant le visionnement du film, bouleversait bien davantage les bases de la narration d'histoires comme celles-ci.