La principale force du cinéma de Sofia Coppola est de susciter des émotions vives. Son Priscilla ne fait pas exception à cette règle. On sort de la salle imprégnée d'un déroutant chagrin, d'une mélancolie latente qui nous bouleverse. Ce n'est, certes, pas le genre de film qui nous changera de la morosité de l'automne, mais il est si puissant qu'il mérite qu'on passe par-dessus son amertume intrinsèque.
Sofia Coppola raconte l'histoire de Priscilla Presley de façon élégante, quoique sombre. La jeune femme a rencontré le populaire chanteur alors que celui-ci accomplissait son service militaire en Allemagne. Encore aux études, Elvis l'a invitée à le rejoindre à Graceland, mais Priscilla devait rester dans la maison et ne sortir que pour aller à l'école. Rapidement, on sent que la star du rock'n roll impose un contrôle sur elle. Alors qu'il tourne des films à Hollywood et que les journaux le disent en relation avec des starlettes, Priscilla doit rester à Memphis. Bien qu'elle souhaiterait se rapprocher de lui physiquement, Elvis refuse de la toucher dans le lit conjugal. Après leur mariage, ils auront une fille, Lisa-Marie. Mais les choses n'iront pas en s'améliorant à la suite de la naissance de l'enfant...
Cailee Spaeny, qui a remporté le prix de la Meilleure actrice à La Mostra de Venise, brille dans un rôle complexe. Sa douceur et sa profondeur nous émeuvent. Il n'y a pas de grands monologues ou d'intenses scènes tragiques, tout se joue en retenue, dans une étouffante sobriété. C'est d'ailleurs là la force de Sofia Coppola, de nous faire comprendre - et même ressentir - l'oppression dont Priscilla était victime. Jacob Elordi s'avère aussi convaincant sous les traits du géant Elvis Presley. Il est dépeint ici comme un être complexe, à la fois manipulateur colérique et protecteur bienveillant.
La réalisatrice nous amène aussi à nous replonger dans une époque où les femmes avaient un rôle préétabli dans la société, et pouvait difficilement s'en défaire. Sa reconstitution historique, plus sobre qu'ostentatoire, vient enrichir le propos. On reste toujours dans le point de vue de la femme, soumise. Quelques images nous montrent ce que fait Elvis alors que Priscilla se meurt de chagrin dans sa tour d'ivoire, mais elles sont très peu nombreuses et ne viennent que renforcir notre dédain pour cet homme imbu.
L'histoire de Priscilla Presley est celle de beaucoup de femmes de son époque. Il s'agit d'un récit dur, morose, qui mérite d'être raconté. Le talent de Sofia Coppola nous chavire, une fois de plus. Impossible de ne pas être subitement habité par des valeurs féministes fortes à la suite de ce visionnement.