L'école a toujours été au coeur du cinéma français, préoccupant ses plus grands créateurs (Jean Vigo avec Zéro de conduite, François Truffaut sur L'argent de poche). Laurent Cantet a d'ailleurs remporté une Palme d'Or avec son excellent Entre les murs et c'est tout en son honneur. Primaire s'inscrit dans cette tradition avec beaucoup moins de succès.
Le film d'Hélène Angel ne présente rien de ce qui a déjà été montré préalablement. C'est l'odyssée d'une enseignante idéaliste (Sara Forestier) pour aider ses jeunes élèves et pour motiver ses camarades apathiques. Le combat quotidien d'une mère monoparentale qui vient de se trouver un défi supplémentaire : secourir un nouvel étudiant turbulent qui risque de finir en famille d'accueil.
Lors de ses meilleurs moments, le long métrage happe par son courage, la dévotion de ses membres. C'est le cas de la brillante introduction quasi naturaliste où un enfant tente de bien prononcer des mots. Même si la séquence est une copie presque conforme de ce que l'on retrouvait dans le puissant documentaire Être et avoir de Nicolas Philibert, le ton est lancé.
C'est l'un des rares moments où la mise en scène sera au service de l'histoire. La réalisation digne d'un téléfilm demeure trop souvent décorative. En élève assidue, la cinéaste tente de recréer le réel avec tellement d'effets que cela sonne faux. Un geste qui réduit à néant toute spontanéité. Elle est où cette folie qui caractérisait son précédent et attrayant Propriété interdite?
On peut pardonner ces largesses à Ken Loach qui offre souvent du matériel incendiaire. Sauf que Angel n'est pas Loach. Malgré toutes ces personnes qui ont participé au scénario, le récit un peu mou se perd parfois dans les lieux communs. L'exemple le plus frappant est cette discussion entre profs qui semble issue du Polisse de Maïwenn. Le sujet important - revaloriser l'école - devient trop souvent un prétexte à une multiplication de poncifs appuyés et de lourds discours moralisateurs, où le mélo édulcoré n'est jamais bien loin.
Entre la fugue d'un lapin et une amourette indigeste, l'ensemble aurait gagné à demeurer uniquement au sein de l'institution scolaire. C'est là qu'une certaine sensibilité se dégage des thèmes. L'idée était salvatrice de multiplier les liens avec la mythologie grecque. Et quel coup de génie de retrouver Sara Forestier dans le délicat rôle principal! L'actrice au visage enfantin qui a fait la joie des cinéphiles dans L'esquive et Le nom des gens se révèle parfaite en institutrice dévouée, proche parente de l'inoubliable héroïne du Twenty-Four Eyes de Keisuke Kinoshita.
La performance impeccable de la protagoniste permet à Primaire de ne pas s'écraser. Trop écrit et calculé, l'effort nécessaire au demeurant se perd dans le simple film à thèses, qui dévore l'art au profit de la cause. Ce n'est pas mauvais pour autant - on est loin de Fist Fight - mais il ne faut surtout pas s'attendre à la finesse et l'émotion d'un Monsieur Lazhar.