Comment peut-on conserver ses idéaux lorsque la vérité importe nullement au bout du compte?
C'est à cette grande question qu'est confrontée Nora (Noée Abita) dans Première affaire, le premier long métrage de la réalisatrice Victoria Musiedlak.
Nora est une avocate spécialisée dans les affaires d'ordre financier. Un jour, elle est toutefois appelée à prendre en main le dossier de Jordan, un jeune homme que la police soupçonne d'être lié à la disparition d'une adolescente vivant dans le même immeuble que lui. Lorsque Nora arrive au commissariat pour l'interrogatoire, sa surprise est totale lorsque son client est formellement accusé d'homicide.
Convaincue de son innocence, Nora est bien décidée à tout mettre oeuvre pour permettre à Jordan, qui n'a déjà pas une vie facile, de recouvrer sa liberté.
Durant la procédure, Nora s'amourache cependant d'Alexis (Anders Danielsen Lie), l'enquêteur en charge de l'affaire, et tous deux débutent une idylle très loin des questions de morale et d'éthique.
Première affaire est évidemment un film sur la perte de l'innocence, la réalisatrice confrontant constamment sa protagoniste d'origine algérienne à ses premiers contacts avec un monde brisé, froid et inéquitable.
Après une première scène où Musiedlak aura bien mis en évidence la personnalité plutôt renfermée de Nora, la cinéaste pousse celle-ci dans les bras d'un homme dont elle ne devrait pas tomber amoureuse, lui fait prendre à la légère l'affaire dont elle est en charge, avant de lui faire quitter le nid familial pour s'éloigner d'une mère dont les traumatismes du passé la freinent continuellement dans ses élans.
À travers ces découvertes et importants changements, son patron ne se gêne pas pour la mettre en garde et lui rappeler ce qu'exige réellement sa profession.
Malheureusement, la réalisatrice gère plutôt maladroitement sa trame narrative entre ses trois sous-intrigues, ne parvenant pas à accorder l'attention nécessaire à aucune d'entre elles. Certaines scènes s'étirent inutilement en longueur, tandis que d'autres éléments du scénario sont laissées trop longtemps de côté pour être en mesure de conserver toute leur importance et force dramatique.
Il y avait pourtant matière à modeler une intrigue beaucoup plus consistante, effective et cohérente. Difficile toutefois de déterminer si la faute revient dans ce cas précis à un montage mal préparé, ou à une cinéaste à la vision un peu trop éparpillée.
Surtout, le film éprouve énormément de difficulté à faire le pont entre les facettes personnelles et professionnelles de la vie de Nora. Celle-ci n'est d'ailleurs jamais présentée comme une surdouée sous-estimée - comme c'est souvent le cas dans ce genre de récit -, mais plutôt comme une jeune femme visiblement perdue et naïve effectuant une entrée tardive dans le monde des adultes, pas vraiment pour le meilleur, surtout pour le pire.
Ceci étant dit, au-delà de la très belle direction photo de Martin Rit (particulièrement efficace durant les séquences de nuit), la plus grande qualité de Première affaire demeure la performance habitée de Noée Abita, qui incarne avec justesse un être fragile appelé à s'endurcir à vitesse grand V pour espérer pouvoir se mesurer aux lions.
Le tout mène ultimement à une finale quelque peu difficile à avaler, justement en raison de tous les problèmes évoqués plus haut. Dommage, car toute la réflexion entourant cette conclusion - à l'instar du dernier obstacle se dressant devant la protagoniste - est loin d'être inconsistant.