**** Vu au Festival du Film de Toronto*****
L'actrice Melissa McCarthy a souvent interprété des pauvres d'esprit, des crasseuses, des brutes. On l'a rarement vue dans un rôle dramatique fort, qui nous permettait de constater les nuances de son jeu. Voici enfin ce film qui fera briller la talentueuse comédienne à sa juste valeur. Dans Can You Ever Forgive Me?, McCarthy interprète Lee Israel, une biographe dont les heures de gloire sont révolues et qui, pour se faire un peu d'argent, décide de créer des lettres soi-disant écrites par des auteurs célèbres.
Lee Israel n'est pas un personnage aimable; elle se lave peu, est alcoolique, ne fait jamais le ménage de son appartement qui se transforme progressivement en dépotoir et dit tout ce qu'elle pense, même si cela blesse profondément les gens autour d'elle. Ce n'est pas une personne avec beaucoup d'amis et elle est incapable de conserver un emploi en raison de son attitude irrespectueuse. Mais, malgré tous les défauts de son alter ego de fiction, Melissa McCarthy parvient à nous la rendre sympathique et attachante. Ses failles sont touchantes et son ingéniosité, même si utilisée à mauvais escient, étonne.
Richard E. Grant, qui interprète le meilleur - et seul - ami de Lee, livre aussi une brillante performance. Les deux sont des rebuts de la société, des marginaux qui n'entrent pas le moule, et c'est inspirant de les voir s'entraider dans la misère. Leur camaraderie est décalée et insolite; elle représente l'une des forces du touchant scénario de Nicole Holofcener et Jeff Whitty. Les auteurs n'ont pas cherché à faire dans le sensationnalisme. Ils sont parvenus à dépeindre cette femme et son crime avec respect et humanité. Même chose pour la réalisatrice, Marielle Heller, qui nous propose un portrait honnête de Lee Israel, une biographe bourrue, mais émouvante, qui s'est tournée vers la fraude pour subvenir à ses besoins.
Bien que le sujet, le personnage et l'environnement soient plutôt noirs et lourds, on y retrouve quelques fabuleuses séquences humoristiques que - sans surprise - McCarthy maîtrise haut la main. Avec ce mélange d'humour et de drame, on a parfois l'impression de se retrouver au coeur d'une comédie des frères Coen, mais la cinéaste Marielle Heller apporte une profondeur supplémentaire qui nous surprend et nous chavire. Quelque chose nous reste de Can You Ever Forgive Me?, quelque chose comme une profonde compassion pour la misère humaine...
Melissa McCarthy sera certainement nommée aux Oscars cette année pour cette performance plus vraie que nature. Can You Ever Forgive Me? mérite les éloges qu'il reçoit et on espère que McCarthy récoltera aussi ces louanges dont elle est plus que digne.