Poulet aux prunes est un conte poétique, une fable lyrique qu'il n'est pas donné à tout le monde d'apprécier. Même le film précédent des réalisateurs, Persepolis, un long métrage d'animation en noir et blanc sur une jeune iranienne anarchiste, était plus « accessible » que cette ode (parfois mal pesée) à la passion et à l'amour. Évidemment, compliqué, imagé, allégorique, ne signifie pas nécessairement mauvais, par contre Poulet aux prunes semble se noyer dans ses images chimériques et oublie de donner à son public un intérêt à connaître les termes du récit. Les bases de ce dernier sont assez simples : un homme décide de mourir après qu'on ait cassé son violon et se rappelle des souvenirs marquants de sa vie tout en pronostiquant sur l'avenir de ses enfants. Mais c'est dans les songes d'un homme malade que le public est entraîné dans un onirisme déroutant. Un onirisme qui nous dérange plus qu'il ne nous transporte.
L'une des forces principales de Persepolis était son message fort, sa voix particulière (celle d'une enfant et d'une jeune adulte contestataire) qui nous amenait à nous questionner sur le monde dans lequel nous vivons et sur la « bonne » manière de l'approcher et de le gérer. Poulet aux prunes n'a pas ce genre d'intentions philosophiques (ou du moins, elles sont cryptées pour un oeil aguerri et n'ont d'impact que sur les connaisseurs). Le film livre certes un message d'amour et de passion, mais n’expose jamais véritablement ses mobiles, trop occupé à créer des images fortes et expressives (comme une reconstitution parodique d'une famille américanisée et désaxée).
Cet amour déchu que l'on découvre au fil de la narration, cet amour qui a toujours hanté le personnage principal et l'a empêché d'aimer une autre femme (même la mère de ses enfants), est trop stéréotypé et trop classique pour être le fil conducteur de cette fable ludique. L'artiste à qui on empêche d'épouser la fille d'un riche entrepreneur parce qu'il ne pourra pas, selon le paternel, subvenir à ses besoins est un poncif offensant pour ce genre production romanesque et exaltée. Peut-être était-ce là le but de la chose, de faire d'une histoire d'amour ordinaire une fresque onirique, mais, peu importe, la simplicité de l'idylle déconcerte et minimise son impact.
Le personnage de Jamel Debbouze - idéal dans le rôle de ce brocanteur déphasé - aurait pu être utilisé davantage puisqu'il cadre parfaitement dans cet univers ensorceleur. Mathieu Amalric se débrouille généralement bien dans la peau de ce joueur de violon dépressif qui attend la mort avec une intensité et une soif déconcertante. Il faut aussi noter l'élégant travail du petit Mathis Bour dans le rôle du jeune Cyrus, un enfant turbulent (mais fort attachant) qui fait sans cesse honte à son père.
Poulet aux prunes ne manque pas d'audace, ça, il faut l'admettre. Le destin d'un musicien qui décide d'en finir avec la vie après que quelqu'un ait détruit son instrument est une terre fertile et un piédestal fort prometteur pour une oeuvre poétique. Pourtant, le film qui en découle manque de cohérence et de portée. On a installé les prises, mais on a oublié d'indiquer au public les procédures pour s'y accrocher. Résultat : un poulet aux prunes au goût rance...
Évidemment, compliqué, imagé, allégorique, ne signifie pas nécessairement mauvais, par contre, Poulet aux prunes semble se noyer dans ses images chimériques et oublie de donner à son public un intérêt à connaître les termes du récit.
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