Dans l'histoire (récente) du cinéma, ce n'est pas rare de voir deux films traitant du même sujet ou deux adaptations de la même oeuvre paraître à quelques mois d'intervalle. C'est le cas du pantin Pinocchio, qui a eu droit à deux versions bien distinctes en 2022. La première a vu le jour sur Disney+ en septembre dernier, et la seconde, de Guillermo del Toro, vient d'atterrir sur Netflix. Cette nouvelle mouture est beaucoup plus morose que la version originale de Disney. Déjà, on nous présente d'emblée le vrai fils du vieux Geppetto, Carlo, qui meurt dans des circonstances déchirantes. Avec la Deuxième Guerre mondiale en toile de fond, ce nouveau Pinocchio ne fait pas dans la dentelle.
Après le décès tragique de son garçon, le sculpteur Geppetto noie sa douleur dans l'alcool. Les esprits de la forêt ont pitié de lui et lorsqu'il fabrique un patin à l'image de son fils, ce dernier prend vie grâce à la magie. Au contraire de son Carlo, l'enfant de bois est turbulent et désobéissant. Après quelques frasques à l'église, on l'oblige à l'envoyer à l'école pour qu'il apprenne à bien se conduire en société. Mais, Pinocchio choisit plutôt de suivre un malicieux gérant de cirque qui fait de lui une bête de foire. Le patin, invincible, regrettera bientôt son père et sa vie simple. Il sera prêt à tout pour retrouver son créateur, jusqu'à renoncer à son immortalité.
Guillermo del Toro aborde le thème de la mort et du deuil, de front. Dès les premières minutes, on attend avec une certaine angoisse le décès de Carlo. Le réalisateur s'amuse même avec nous, plaçant le gamin dans toutes sortes de situations risquées. On se l'imagine mort des dizaines de fois avant que le trépas survienne enfin. Le désarroi de Geppetto à la suite du décès de l'enfant est tel qu'on ne peut qu'être, d'emblée, atterré. Heureusement, Pinocchio, malgré son indiscipline, est attachant et vient rapidement mettre un baume sur notre coeur. Le petit Jiminy Cricket, qui dort dans le coeur creux de la marionnette, fait aussi partie des éléments charmants du film. Ewan McGregor est excellent pour donner vie à cet insecte sympathique.
Le réalisateur et ses alliés ont complètement revu le conte de Pinocchio que l'on connaît, attrapant ici et là des éléments familiers pour en faire une oeuvre nouvelle et puissante. On pourrait même dire que cette version de l'histoire du patin de bois de Geppetto est encore meilleure que celle de Disney de 1940. Elle est plus profonde et vraie, plus émouvante et moins juvénile. Les enfants peuvent tout de même appriécier cette interprétation de l'oeuvre de Carlo Collodi, mais plus de questions (et peut-être certaines inquiétudes légitimes) viendront après le visionnement.
L'animation en stop motion est magistrale. Elle apporte une âme mature et solennelle à ce Pinocchio. Malgré toutes ses qualités, le film de Guillermo del Toro renferme tout de même quelques longueurs inutiles, notamment lors de la deuxième visite de Pinocchio au cirque. Le climax tarde à arriver et lorsqu'il frappe, il n'a pas le même impact qu'il aurait eu 15 ou 20 minutes plus tôt. Reste que les larmes couleront abondamment sur votre visage lors de la conclusion mélancolique de ce film, somme toute, mémorable. Si tous les contes de Disney avait droit à ce genre de transformations, on espérerait davantage de remakes.